Les bluffants «fauxmages» sans lait d'animal dedans
Une toute fraîche crémerie genevoise propose des fromages végétaux. On a goûté. Surprise: ça le fait!
Avouons-le. On y allait un peu sur les papilles de derrière. Pensez: déguster des fromages végétaux. Sans lait de mammifère dedans. Et puis quoi encore? Du cassoulet sans haricot? Du kirsch sans alcool? Bon, notez qu'existent déjà des chanteurs sans voix et des moralistes sans morale. Mais tout de même, on y croyait très moyennement à cette affaire. Avant d'être littéralement bluffé. Et même ému par cette pâte persillée – oui, comme un roquefort – au moelleux confondant et à la saveur acidulée autant picotante. Un mix affolant entre un gorgonzola et un stilton. Les crémiers, Genevois de souche, l'ont baptisé «Bleu de bleu». Si en plus la drôlerie s'en mêle, on adhère sans discuter à la cause.
Nous voilà donc devant une multitude de fromages végétaux et odoriférants aux looks variés autant qu'alléchants en compagnie de leurs concepteurs: Soheil Azzam, Malena Azzam et Mourad Cheraït. Le premier est graphiste de haut vol, père de la seconde, vidéaste et antispéciste, qui est l'amie du troisième, végan et artiste itou. Vous suivez? Un père, sa fille et son conjoint, bercés tous trois dans les choses de l'art et artisans de «fauxmages» à base de noix de cajou «exempts de souffrance animale». Cette production demeure confidentielle, voire gelée ces jours-ci. C'est que le trio met toute son énergie dans la création d'une vraie crémerie à Plainpalais, qui lui permettrait de fabriquer un volume viable. Pour cela, il a lancé une campagne de financement participatif – ou crowdfounding en bon anglais – qui s'achèvera dans une vingtaine de jours. Il leur faut 80 000 francs.
Noix de cajou
Mais comment en sont-ils arrivés là? «Je suis végétarien depuis quarante ans», raconte Soheil, barbe et crinière blanches en broussaille. «Je mangeais toutefois du fromage. Je le pensais sain. On m'a diagnostiqué une maladie auto-immune qui m'a interdit toute consommation de lait. Mais le fromage me manquait.» Du coup, le graphiste se met à bricoler, tout seul dans sa cuisine, des tomes végétales, à base de noix de cajou bio, mixées à l'eau. «Quand on croque une noix de cajou, on perçoit déjà ce petit goût lacté. J'ai multiplié les expériences, en variant le temps d'affinage et de fermentation, les températures, les épices. Il s'agissait de retrouver le plaisir gustatif, la profondeur d'un vrai fromage.» Défi quasi relevé.
«Très vite, tout le monde en voulait», raconte sa fille. Maintes épiceries et restaurants nous en réclamaient. On ne pouvait pas suivre. Le projet a démarré sans qu'on y prenne garde. Tout seul.» Il faut dire que ce type de produit là a le vent en poupe. Les intolérances au lactose se multiplient. Pendant que se diffusent la défiance vis à vis de l'alimentation carnée et le rejet de l'exploitation animale. Une question taraude toutefois le butor carnivore: exploite-t-on vraiment une vache quand on la trait? «La vache n'a du lait que si elle a un petit. L'homme la transforme en nourrice, l'exploite comme étaient exploitées ces pauvres femmes au XIXe siècle.» Bon, d'accord.
Suspect et coupable
Mais revenons à notre gamme végétale. L'apprenti fromager a en effet su varier goûts et formes: bûches façon chèvre, bleus fondants, tomes plus ou moins affinées, miniboulettes apéritives aux aromates. Des odeurs, des saveurs. De petits noms marrants aussi: le Suspect, le Coupable (parce qu'on peut le couper), le Sacrebleu… Il y a là de quoi combler le fromageophile. Sauf que la texture demeure toujours très tendre, bien éloignée de la fermeté d'un gruyère par exemple. «Je compte faire des tests avec de l'agar-agar», confie Soheil. «J'aimerais aussi produire de grandes meules», ajoute-t-il, pensif.
C'est que l'aventure n'en est encore qu'à ses balbutiements. L'avenir grouille de promesses gourmandes autant que véganes. Des desserts. Des crèmes. Des glaces. De nouveaux fauxmages qui sentent la vraie bête. «On travaille sur la féta et la raclette», glisse Malena. Surtout, la crémerie une fois installée permettra de combler la demande, galopante, on l'a dit. «On a reçu des centaines de mails, de France, du Canada. Cependant le but n'est pas de prêcher les convaincus, mais de rendre accessible le végétalisme à tout le monde.» Oups: on avait oublié qu'il y avait une croisade militante derrière ces adorables petits fromages sans lait dedans.
Crowdfounding. On peut contribuer à la création de la crémerie en cliquant ici.
Dégustation. Mercredi 8 mars de 11 h 30 à 14 h au Café Cacahuète, 60, rue de Lausanne.
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