Crise sanitaire du Covid-19Les anti-vax, symptôme d’une fracture sociale
Ce billet est signé par un blogueur de la plateforme «Les Blogs» en partenariat avec la «Tribune de Genève». Il n’engage pas la Rédaction.

Nous connaissons tous dans notre cercle familial, d’ami.e.s, de collègues, des personnes qui refusent encore et toujours la petite piqûre anti-covid. Certes il y a toujours eu des adversaires de principe de la vaccination. Mais aucun vaccin imposé pour de nombreuses destinations, comme celui contre la fièvre jaune, l’hépatite ou d’autres maladies tropicales, n’a jamais refréné aucun voyageur, qui s’y prêtait de bonne grâce, se sachant ainsi protégé. On se rappelle également des ravages de la variole ou de la poliomyélite, maladies aujourd’hui vaincues par une pratique vaccinale générale.
Pourquoi alors ce rejet viscéral chez un bon tiers de la population du vaccin anti-covid, que les gouvernements ont demandé instamment aux industries pharmaceutiques de développer?
Un immense égocentrisme
Quand on interpelle des «anti-vax» sur leurs motifs, les réponses sont en général: on manque de recul sur les effets secondaires et à long terme; tout ça c’est un complot de la pharma pour se faire de l’argent sur notre dos; «touche pas à mon corps» : je refuse qu’on me manipule génétiquement ou qu’on m’implante une puce; je travaille à renforcer mon système immunitaire (comme si l’un pouvait remplacer l’autre) ; le virus a été largement surestimé, ce n’est qu’une petite grippe (argument semblable à celui des climatosceptiques de naguère) ; le vaccin ne sert à rien puisqu’il n’empêche pas d’attraper le Covid (oui mais bien moins fortement, ce qui fait toute la différence!) ; l’atteinte à la liberté: je ne supporte pas qu’on m’impose quelque chose. Ce dernier argument est le plus problématique, car on pourrait tout aussi bien rejeter d’autres «atteintes à la liberté» comme le fait de payer des impôts ou de s’arrêter aux feux rouges… Certains, par ailleurs, ont davantage peur du vaccin que du virus.
Le résumé de toutes ces arguties: un immense égocentrisme. Et il est rageant de voir les soins intensifs squattés par des jeunes anti-vax occupant des lits dont auraient urgemment besoin des personnes cancéreuses ou cardiaques. Et aussi une immense défiance à l’égard de tout ce qui est officiel: la science, la recherche, ceux qui nous gouvernent. Certes un sain esprit critique est indispensable, y compris sur la pandémie et sa gestion, mais ce rejet viscéral, cette méfiance abyssale, sont tout comme l’égocentrisme érigé en principe de vie, les signes inquiétants d’une vraie fracturation sociale, d’une délégitimation émotionnelle et mentale des exigences de la vie en société. Le suprême paradoxe de certains anti-vax étant leur admiration, pour celles et ceux d’entre eux attirés par la mouvance d’extrême droite, pour les «hommes forts»…
Contre les privilèges des vaccinés
Puis, cerise sur le gâteau, par une curieuse inversion des arguments, on se bat contre le «privilège» des vaccinés de pouvoir reprendre une vie quasi-normale, préférant des restrictions pour tous, des fermetures générales d’activités (ou aussi l’indifférence face au virus), plutôt que de les limiter à ceux qui ne présentent plus de dangers ni d’attraper une forme grave du Covid ni de la répandre. Inversion des raisonnements, car la seule chose qui peut légitimer des restrictions à la liberté de se déplacer est bien la dangerosité du virus qu’on pourrait transmettre ou attraper. Dès lors qu’on est vacciné, ce danger est fortement réduit, et il n’y a plus aucune raison que la personne vaccinée soit soumise à des restrictions. Quant au contrôle du pass sanitaire par les organisateurs d’événements, il n’est pas bien différent du contrôle du billet d’entrée…
On ferait mieux de s’inquiéter du changement climatique qui avance à grands pas et contre lequel aucun vaccin n’existera jamais. Cette querelle égocentrique sur les vaccins ne servirait-elle pas à nous faire oublier les vrais dangers qui nous guettent? Quand l’essentiel de la planète sera devenu inhabitable et que les humains devront vivre sous des bulles semblables aux parcs de loisirs artificiels, on en reparlera!
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