De récents chaos (gare de Lausanne, trou de Tolochenaz, etc.) font surgir toutes sortes de propositions plus ou moins farfelues pour rétablir la sécurité ferroviaire et permettre le développement, urgemment nécessaire, des dessertes romandes en général et lémaniques en particulier.
Osons donc, novices en la matière comme beaucoup d’autres non-diplômés du rail, y aller de la nôtre, de solution. Le point de départ choisi, la gare souterraine de l’aéroport, est, comme l’a inlassablement répété l’ingénieur retraité Rodolphe Weibel, spécialiste lui du génie civil, la partie inachevée d’une boucle que l’on pourrait selon lui prolonger jusqu’à la section de Genthod-Bellevue en direction de Lausanne. Cela permettrait d’éviter les coûts faramineux d’une extension souterraine à Cornavin, mais les CFF ont dit non, pour des raisons assez obscures.
Poussons donc l’idée plus loin en direction de l’est. Pourquoi ne pas creuser en sous-sol, depuis la gare de Cointrin, un tunnel qui irait en droite ligne jusqu’à, mettons, la bifurcation d’Échandens, pour permettre aux trains de continuer soit vers le chef-lieu vaudois soit – pour éviter de surcharger encore davantage ce dernier – directement vers Neuchâtel, comme cela est encore aujourd’hui le cas, mais malheureusement plus pour très longtemps.
Utopie mal fagotée de béotien? C’est selon. Il en est par exemple une autre, imaginée en son temps (2018) à l’EPFL, qui immergeait le tunnel, monté sur piliers, dans les eaux du Léman. Et l’on peut aussi rappeler, même si l’usage prévu n’en était bien sûr pas le même, le projet Swissmetro, abandonné mais régulièrement rappelé par les rêveurs de vitesse ferroviaire. Les marchandises ont plus de chances, puisque le projet Cargo sous terrain a reçu la bénédiction de la Confédération.
Les avantages souterrains? Ils sont nombreux. Contrairement aux solutions de surface, les tunnels ne se heurtent pas, ou très peu, aux procédures longues d’expropriation et aux oppositions de toute nature. Ils se réalisent non au pas de charge, mais à la vitesse de tortues qui, comme on sait, parviennent à destination avant les lièvres. Les coûts au kilomètre sont nominalement bien plus élevés, mais le temps étant de l’argent, les dépassements de budget ainsi évités en font beaucoup gagner au bout du compte.
Et ces coûts justement, parlons-en. Même s’il est délicat de comparer ce qui n’est pas comparable, voyons ce qu’ont coûté les 57 km du tunnel de base du Gothard: 12,2 milliards de francs, soit 214 millions le kilomètre. Le CEVA, évidemment bien moindre, est revenu à quelque 1,5 milliard pour ses 16 km, soit 94 millions au km. Un tunnel qui ne serait foré ni sous un massif alpin à la géologie compliquée, ni sous une ville au sous-sol truffé de conduites diverses, devrait revenir, à la louche, à quelque chose compris entre les deux, soit 150 millions le km. Donc, pour notre ligne de 50 km (47 km à vol d’oiseau) entre l’aéroport et l’aiguillage d’Échandens, près de 7,5 milliards.
Ce serait certes beaucoup, mais faites l’addition de quelques ouvrages en cours ou déjà réalisés: tunnels du Bözberg (350 millions pour 2,5 km), du Zürichberg (1,1 milliard pour 5 km), du Zimmerberg (1,4 milliard pour 10 km), ou encore la Durchmesserlinie Altstetten–Zürich HB–Oerlikon (2 milliards pour 9,6 km). Ajoutez-y le Hagenholztunnel de la Flughafenlinie ouvert en 1980, et vous constaterez que l’équipement ferroviaire de Zurich et de sa Hauptbahnhof aura bien atteint au total ce qu’une nouvelle liaison lémanique pourrait représenter.
Alors, pure folie ou légitime rattrapage?
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Chronique économique – Les ailes du désir ferroviaire