L'embellisseur de portes continue à sévir dans la ville
L'inconnu a jeté son pinceau sur le fer forgé du début du XXe siècle. Une entreprise d'aujourd'hui, spécialisée dans le nettoyage de tags et graffitis, le suit à la trace depuis trois mois. Course-poursuite.
On croyait la touche artistique circonscrite à un seul quartier, celui historiquement inspirant des Délices. Trois occurrences en octobre 2017, du côté de la rue du même nom et celle, voisine, du professeur Amiel. Erreur. En novembre et décembre, d'autres portes d'immeubles, toutes vieilles d'un bon siècle, sont repeintes d'un coup de pinceau identique, dans des coloris similaires (blanc crème, bleu clair), mais du côté de la Jonction cette fois, puis de Plainpalais. L'avenue du Mail est à son tour concernée.
L'artiste brut se montre actif en fin d'année. Il passe d'une rive à l'autre, réaffirmant à chaque fois son goût pour les volutes, les escargots, les losanges, bref tout ce qui sort (sortait) de la main du ferronnier d'art. Le voici, début 2018, signalé sur la rue Schaub, en trois adresses, à la hauteur des numéros 2, 5 et 7. La signature est toujours la même, un feutre assez liquide, un pinceau plat soulignant les éléments architecturaux d'un trait recouvrant mais souvent interrompu comme si l'auteur s'amusait à jouer avec des effets de dissymétrie, à surligner notre patrimoine pour en faire ressortir des formes cachées, des chiffres et des lettres invisibles.
Geste rigoureux
Une seule fois, son geste rigoureux n'a pu éviter la tache sur le sol, sans doute la conséquence d'un dérangement inopiné. La rue Schaub est en effet très éclairée la nuit. Graphiquement identifié, le geste n'a en revanche pas de visage. Est-ce un homme ou une femme? Un tenancier de l'avenue de Sainte-Clotilde est convaincu d'avoir vu une personne, « de sexe masculin et de taille moyenne » aux affaires sur le boulevard Saint-Georges, avant qu'elle ne prenne la fuite en direction du Rhône. Pour l'heure, le serial tagueur, tendance géomètre et designer, n'a qu'un seul contradicteur à ses trousses. Il s'appelle Freddy Terzariol, se déplace dans un petit véhicule de service rempli de produits spécifiquement conçus pour cette activité et son savoir-faire accumulé sur dix ans de pratique lui vaut d'être devenu l'un des meilleurs nettoyeurs spécialisés de la place. Il travaille pour le compte d'une société privée exclusivement dédiée aux tags, graffitis et autres aux salissures visuelles. TagsOff, elle s'appelle, et son nom bien traduit n'est vraiment pas usurpé, si l'on en juge par l'efficacité des interventions réalisées dans le sillage de l'artiste du moment et de quantité d'autres.
Chevalet mobile
Les traces pastel de ce chevalet mobile adossé aux portes visitées de l'extérieur sont effacées une à une, méthodiquement, afin de rendre au fer forgé son lustre d'antan. C'est beau à l'oeil et au toucher, sans laisser la moindre «tache de propreté», ces marques blanchâtres permettant, au passage, de distinguer la qualité du nettoyage selon les entreprises mandatées.
Il existe désormais une alternative à l'époque du microsablage et de l'hydrogommage, indique le spécialiste. Aux techniques invasives d'hier, on préfère la dissolution des tags en recourant à des solvants d'origine végétale. Le geste est ferme, précis et respectueux à la fois. «Cela présente l'avantage de conserver la surface taguée dans son état original», commente le gérant de TagsOff, Pierre Pialoux. Avant d'ajouter, fin connaisseur: «Il s'agit ici d'une signature différente de celles que nous avons l'habitude de croiser dans notre travail. Il ou elle se montre plutôt inventif.»
Le prix du coup de pinceau
Le compliment s'arrête là. La suite, écrite, pourrait coûter plus cher à l'auteur. Car chaque intervention fait l'objet d'un rapport circonstancié, comportant un devis et une analyse de la dégradation visuelle; lequel rapport sert pour le dépôt de plainte auprès des assurances et de la Police. Le parcours dans la ville de l'embellisseur de portes est ainsi scrupuleusement archivé. Son ADN artistique risque bien un jour prochain de se retourner contre son ADN tout court.
Une douzaine de sites figurent déjà sur sa cartographie personnelle. Le rétroactif des factures, sans compter l'amende qui va avec, promet de faire grimper le prix du simple coup de pinceau.
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