C’est un paradoxe européen. Les importations de combustible et de technologies nucléaires russes sont en augmentation depuis trois ans. On estime que le géant russe Rosatom contrôle 31% du marché de l’uranium enrichi de l’Union européenne. En Suisse, les centrales atomiques appartenant à Axpo et Alpiq sont même dans l’incapacité de dire si l’uranium qu’elle achète à des intermédiaires étrangers passe encore par la filière russe, selon une enquête récente du «Tages-Anzeiger».
Les liens avec la filière russe sont en effet très anciens. Pendant très longtemps, les Européens ont sous-traité une partie de l’enrichissement de l’uranium à la Russie, un processus très énergivore et pour tout dire assez sale.
Le géant russe Rosatom ne fournit pas seulement du combustible. C’est aussi un constructeur très actif. À témoin, la Hongrie de Viktor Orbán, qui veut renouveler son parc nucléaire de Paks, au nord du Danube, en recourant aux services de Rosatom.
«Pendant très longtemps, les Européens ont sous-traité une partie de l’enrichissement de l’uranium à la Russie, un processus très énergivore et pour tout dire assez sale.»
L’Autriche et l’Allemagne s’y opposent, alors que la France a octroyé le permis d’exportation à son équipementier Framatome, sous-traitant du projet avec… le groupe allemand Siemens. Pour les Hongrois, ce blocage est inadmissible, car l’atome ne fait pas partie du paquet de sanctions adopté par l’Union européenne en représailles à l’invasion de l’Ukraine.
Cette querelle diplomatique en recoupe une autre. La France toujours, avec le soutien de la Hongrie, souhaite que l’UE accorde à l’hydrogène produit à partir du courant électrique nucléaire un label vert comparable à l’hydrogène issu des énergies renouvelables. L’Espagne et l’Allemagne s’y opposent. Madrid et Berlin considèrent que le nucléaire demeure une énergie controversée et non durable en raison des risques et des déchets, même si son bilan en matière de gaz à effet de serre est favorable.
Les enjeux financiers? Ils sont colossaux. La filière hydrogène, qui remplacera à terme celle du gaz en Europe, exigera des centaines de milliards d’investissements. Les partisans des renouvelables (Allemagne, Espagne) se méfient des intentions de l’éléphant nucléaire français, qui cherche à se redéployer.
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Éditorial – L’éléphant nucléaire dans le paquet des sanctions
Le nucléaire russe échappe aux sanctions prises contre la Russie et reste une source de querelle permanente en Europe.