Guerre en UkraineLe spectre de la famine menace l’ancien grenier de l’Europe
Dans les campagnes, les champs et les animaux sont abandonnés par les paysans, au front ou en faillite. La nourriture manque dans les villes assiégées par les Russes.

Les poules blanches de Nadiya Popova n’ont pas picoré leur pâtée depuis six jours. Dans cette ferme de Butenki, au cœur de l’Ukraine, les deux gros cochons noirs s’agitent aussi. Personne ne verse de petit-lait dans la porcherie et il n’y a plus d’eau dans les baquets. Deux génisses rousses errent seules et meuglent dans le pré enneigé, derrière l’entrepôt à grains. L’herbe n’a pas encore poussé, le foin dans les auges est épuisé. «Nadiya s’est enfuie avec les enfants, raconte la vieille Mira, une voisine. Quand elle a entendu les bombes sur Kharkiv, elle n’a plus pensé à rien. Son mari est à la guerre. Ces bêtes aussi sont victimes de la haine, comme nos campagnes.»