Conférence à l’Université de GenèveLe sexisme ordinaire nourrit le harcèlement au travail
Les discriminations sexistes ont un effet sur les carrières féminines, quelle que soit la gravité des agissements, a expliqué un professeur belge à l’occasion d’une journée de sensibilisation.

L’Université de Genève (UNIGE) proposait ce jeudi à l’heure du déjeuner une conférence d’un professeur de psychologie de l’Université de Liège, Benoît Dardenne, intitulée «Discriminations sexistes dans le monde du travail: les comprendre pour les combattre». L’événement était organisé à l’occasion de la Journée de sensibilisation au harcèlement sexuel (officiellement Sexual Harassment Awareness Day), à laquelle plus de quarante universités suisses ont participé.
Littérature scientifique internationale et PowerPoint à l’appui, l’universitaire a fait cheminer son public jusqu’à ce constat: le sexisme dit «ordinaire» des milieux professionnels freine tout autant les carrières féminines que le harcèlement sexuel au travail. Il influe aussi négativement sur le taux de renouvellement du personnel, la santé mentale et fait augmenter les risques cardio-vasculaires – des femmes toujours – tout autant qu’une agression sexuelle, voire qu’un viol.
Zone grise ordinaire

En clair, lutter contre les vestiges du droit de cuissage ne suffit pas, il faut s’attaquer à la partie invisible de l’iceberg, à tout ce qui nous semble sexiste et acceptable: la fameuse «zone grise». Pour ce faire, il est indispensable de se rendre compte que nous baignons toutes et tous dans une idéologie sexiste. Afin d’illustrer son propos, Benoît Dardenne convoque l’image d’une «paire de lunettes aux verres colorés modifiant notre façon de voir la réalité et ce d’une façon si ordinaire, diffuse et omniprésente que nous l’oublions».
L’exposé a montré la continuité entre des faits considérés comme anodins (par exemple couper systématiquement la parole aux femmes en réunion, ce qui les amène à ne plus la prendre) et les cas très médiatisés d’agressions sexuelles, comme celui de Patrick Poivre d’Arvor, accusé de viol par plus de vingt femmes.
Sur le terrain
À la suite de la présentation, une brève table ronde a permis à Gaëlle Jourdan, directrice des ressources humaines aux Services industriels de Genève, et Aude Thorel, son homologue à l’UNIGE, de s’exprimer sur la réalité de leur entreprise respective.
La communication auprès des employés a été mise en avant comme pilier de leur politique, accompagnée d’un module d’e-learning de l’État de Genève pour les collaborateurs de l’Université. Côté obstacles et résistances, la complexité des cadres juridiques et réglementaires, qui ne favorise pas l’émergence de la parole, a été pointée du doigt.
Des mails de plainte adressés aux RH par des hommes persuadés d’être accusés implicitement de harcèlement à l’annonce de formations obligatoires ont aussi été relevés. L’occasion de rappeler qu’il n’existe pas de profil type de harceleur.
Ironie du sort: l’universitaire belge ayant dépassé son temps de parole, l’échange fut écourté.
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