Vous pourrez prendre plusieurs bains cet hiver. Tout va bien. Les médias n’y ont accordé que peu d’importance, mais l’Office fédéral de l’énergie vient de publier les projets d’ordonnance qui sécurisent l’approvisionnement du pays jusqu’en 2026 au moins. En gros, la Suisse va connecter en réseau plusieurs centrales thermiques réparties dans tout le pays pour une puissance électrique de 1000 MW. Soit l’équivalent d’une grosse centrale nucléaire!
Cette réserve s’ajoute à la réserve hydraulique, soit les millions de mètres cubes d’eau que les compagnies électriques ne devront pas turbiner à des fins commerciales mais uniquement en cas de pénurie ou d’incapacité à importer des électrons d’Allemagne et éventuellement de France. À très court terme, la centrale thermique de Birr (Argovie) devrait fournir 250 MW dès février déjà. Pour faire face aux hivers prochains, la Confédération prévoit de financer 750 autres MW de puissance, en mettant en réseau des centrales déjà existantes ou les groupes électrogènes installés dans les entreprises, les hôpitaux, les centres de données, etc. Ces groupes de secours pourront participer à un appel d’offres ou être réquisitionnés, la gestion technique incombant à Swissgrid. En clair, à moins d’une catastrophe majeure (écroulement du réseau en Europe), la Suisse dispose désormais des moyens techniques, financiers et légaux pour passer les prochains hivers sans trop de soucis. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas poursuivre les efforts visant à un usage rationnel de l’énergie. Mais l’alerte rouge de la fin de l’été peut être mise sur «off».
«En clair, à moins d’une catastrophe majeure, la Suisse dispose désormais des moyens techniques, financiers et légaux pour passer les prochains hivers sans trop de soucis.»
Ce sont de bonnes nouvelles que la Confédération n’a pas criées sur les toits, faute d’informations fiables. Car il y a peu de temps encore, elle n’avait aucune idée de la puissance électrique installée en Suisse par les entreprises et les privés. Or, selon un recensement en cours, il s’avère que cette puissance dormante dépasse largement les 4 gigawatts (1 GW = 1000 MW), peut-être 6 et même 10, selon certaines sources. C’est énorme, à l’image d’un pays riche qui se surassure par tradition et dimensionne ses installations au-delà des exigences minimales. Au passage, les entreprises privées font la démonstration qu’elles n’ont pas attendu Berne pour s’équiper au cas où… Bien sûr, ces GW installés ne pourront produire de l’énergie que pendant quelques jours, parfois quelques heures. Mais c’est amplement suffisant pour éviter de puiser trop tôt dans la réserve hydraulique aux heures de pointe. Évidemment, cette assurance est chère. Pour la centrale de Birr et les groupes électrogènes mobilisés pour l’hiver 2022-2023, nous allons dépenser 580 millions de francs suisses. Par comparaison, on estime qu’une centrale à gaz de 1000 MW, pour une durée de 25 ans, se négocie autour de 1 milliard de francs!
La Suisse dépensera donc sans compter. Ou plus exactement, les consommateurs passeront à la caisse. L’Office fédéral de l’énergie estime qu’il en coûtera au total 40 francs par année et par ménage (1,4 centime par kWh) pour l’usage du réseau de Swissgrid; les coûts finaux seront toutefois plus élevés que cette estimation et dépendront de l’usage effectif ou non des centrales de secours. Car l’objectif est bien… de ne pas les utiliser.
Sur le front de la pénurie de gaz en Europe, la situation s’améliore. Selon les projections de Bloomberg New Energy Finance, les réserves de gaz en Europe seront suffisantes pour cet hiver mais également pour les prochains. Le miracle? La récession. La hausse des prix et le ralentissement de la conjoncture détruisent la demande, en particulier dans l’industrie, qui fait des économies et remplace le gaz par le pétrole et ses dérivés. Et surtout, le gaz liquéfié arrive de plus en plus vite sur le continent. L’étau gazier de Poutine se desserre enfin.
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La chronique économique – Le risque de pénurie d’électricité n’existe plus
La Suisse a pris toutes les assurances jusqu’en 2026. C’est un effort énorme mais très coûteux.