Le respect et la persévérance ont fait de Ilke Bulut un homme en or
Après son titre aux World Games, le Genevois vise une autre consécration mondiale, à la mi-novembre en Colombie.

Il y a une petite flamme qui scintille dans ses yeux, le regard vif et perçant de celui, persévérant, qui sait ce qu'il veut. Ilke Bulut est un champion de jiu-jitsu brésilien. Membre du Team Genève et de la Shinbudo Martial Arts Academy, ce Taureau de 28 ans s'est déjà construit un joli palmarès sur le continent avec neuf sacres européens et un titre de vice-champion du monde. Le tout dans la catégorie des moins de 77 kg. Et pourtant, il n'aurait jamais dû connaître tous ces honneurs…
Son médecin lui avait fait comprendre qu'il valait mieux renoncer aux sports de combat. Qu'avec une telle blessure aux vertèbres lombaires due à une chute, il était préférable qu'il évite les chocs à répétition. A 13 ans, il a bien essayé de taper dans un ballon, mais le football n'était pas vraiment sa voie. «Je préférais les valeurs du judo, ramener des médailles et des coupes à la maison, confie le jeune homme. Ce n'est pas comme un sport d'équipe. Si tu perds, c'est de ta faute, tu ne vas pas accuser un coéquipier ni insulter ton entraîneur. Dans les arts martiaux, il y a non seulement le dépassement de soi mais surtout le respect d'autrui.»
Tant pis pour le docteur!
Ilke n'avait connu que des tatamis depuis que ses parents l'avaient «mis là-dedans» à cinq ans pour qu'il se défoule dans une salle plutôt que de se bagarrer avec ses deux frères. C'est justement un de ses frangins qui lui a proposé de choisir, dix ans plus tard, le jiu-jitsu brésilien. «Au début, j'étais un peu réticent, avoue celui qui a passé son enfance au Lignon et à Champel. Je ne voulais pas me retaper six mois de corset.» Mais la passion a eu, au final, le dernier mot. «Dès le premier cours, j'ai adoré.» Tant pis pour le docteur, il comprendra!
«Or, dans ce sport, il n'y a pas de frappe directe, des coups de poing, coups de pied ou de genou, précise-t-il. Il y a moins de chutes qu'au judo car si le combat débute debout, après une projection il se poursuit principalement au sol…»
Ilke a été contaminé, fasciné, hypnotisé par la philosophie d'une discipline bonne pour son équilibre. «Avec les compétitions, les voyages, les succès, c'est vite devenu un engrenage, puis un travail», apprécie ce jeune marié, conscient toutefois qu'il est difficile de faire tourner la marmite avec sa passion. Avec son épouse, Cécile, il vit d'amour et d'eau fraîche, ou presque. «Heureusement que je peux compter sur des aides comme le Team Genève et les Fonds du sport genevois. Cela me permet de payer mes assurances et mon loyer.» Ce passionné ne désespère pas que Swiss Olympic lui ajoute bientôt un peu de beurre sur ses épinards, surtout après avoir porté haut les couleurs de la Suisse à la fin de juillet: en Pologne, il est revenu avec de l'or autour du cou des World Games, battant, en finale, le Belge Wim Deputter.
Aux JO en 2024?
«Il s'agit d'une compétition internationale qui se déroule, comme les Jeux olympiques, tous les quatre ans, s'emballe le jujitsuka genevois. Elle rassemble toutes les disciplines qui ne sont pas inscrites au programme des JO, comme le squash, le ski nautique, le trampoline, l'escalade ou le tir à la corde, et qui aspirent à le devenir un jour. Pour nous, on parle de 2024. C'était une belle expérience où on a pu se faire connaître. Il y avait aussi un village pour les athlètes, une belle salle, des caméras braquées sur les tatamis, des écrans géants partout dans la ville. Comme aux JO…» Comme dans un rêve!
«Je n'ai jamais lâché»
Mais pour arriver à ce niveau, Ilke Bulut a passé des heures au Dojo Shinbudo de Cointrin avec son professeur, Anderson Pereira. Ou à la salle Sport Quest à Plainpalais pour peaufiner sa condition physique sous la férule de Michael Vincent. «Pour décrocher une ceinture noire correcte, il faut compter à peu près dix ans en s'entraînant au minimum quatre fois par semaine, renchérit ce stakhanoviste du travail bien fait. Cela prend du temps car il y a beaucoup de technique, de stratégie et de physique. Je suis d'ailleurs allé aux Etats-Unis et au Brésil pour me perfectionner. Je logeais dans un petit appartement avec huit personnes. On mangeait comme on pouvait, on s'entraînait à fond, plusieurs fois par jour. Moralement, ce n'était pas facile. Mais je n'ai jamais lâché. Tout le monde peut commencer mais pas tout le monde arrive au bout!» C'est son professeur, son héros, qui lui a transmis sa flamme.
Avec le Meyrinois Danny Feliz, également membre du Team Genève, ils sont deux à évoluer à ce niveau. «En Suisse, on nous compte sur les doigts d'une main», regrette Ilke.
«Et, sourit-il, quand tu rentres avec une médaille des championnats d'Europe d'un sport méconnu, tu la mets avec les autres dans une boîte à chaussures et personne n'en parle, tu es vite oublié.» Persévérance, c'est sa devise. Peu importe, tant que son corps suit, que son envie est toujours intacte, il fonce! «Et ensuite, j'espère bien ouvrir un club, enseigner aux autres ce qu'on m'a appris, qu'il n'y a pas que le foot et le tennis dans la vie», souffle-t-il.
En attendant, Ilke Bulut compte bien revenir des Mondiaux de Colombie, le mois prochain, avec une nouvelle médaille d'or.
Il y a déjà une petite flamme dans les yeux qui scintille…
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Au fait, c'est quoi le jiu-jitsu brésilien?
C'est en 1920 qu'est né le jiu-jitsu brésilien, appelé aussi jeu d'échecs humain, grâce au Japonais Mitsuyo Maéda. C'est lui qui l'a importé au pays de la samba, histoire d'initier certaines familles avant qu'elles ne l'adaptent à leur manière. «Comme beaucoup de sports dans les arts martiaux, c'est un descendant du judo, par rapport à sa technique de projection, et du jiu-jitsu traditionnel, qui était pratiqué par les samouraïs, rapporte Ilke Bulut. Au début, cette nouvelle technique de combat en Amérique du Sud permettait aux minces, petits, frêles et assez faibles de battre quelqu'un de plus fort physiquement ou en taille, renchérit le Genevois. Dans notre sport, il est question de mouvements de levier pour faire basculer l'autre. Et, s'il y a des coups de pied dans le self-défense, les frappes directes n'existent pas en compétition. Le but est de soumettre l'adversaire pour le contraindre à abandonner sur une clé articulaire, une clé de bras, de genou ou un étranglement.» Et de préciser que le vainqueur peut aussi être désigné aux points (le calcul est assez complexe) si les deux combattants ne parviennent pas à se départager. C.MA.
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