On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Mais pourquoi le patriarche Kirill de Moscou se retrouve-t-il dans le viseur de l’Union européenne dans le cadre du sixième train de sanctions à l’encontre de la Russie? Pour son passé d’espion du KGB à Genève en 1970? Sûrement pas, trop banal. Pour sa fortune amassée sous Eltsine avec la contrebande de cigarettes et les ventes de produits pétroliers? C’est de l’histoire ancienne. Pour son homophobie? À ce compte-là, il faudrait punir la moitié de la planète.
Que reste-t-il? Son goût immodéré pour les montres et les voitures de luxe? Soit. Ce n’est pas très orthodoxe. Mais pas non plus de quoi fouetter un chat. Alors que se passe-t-il avec ce haut dignitaire religieux qui a fait condamner trois membres des Pussy Riot à deux ans de goulag pour avoir entonné une prière punk – «Sainte mère de Dieu, vire Poutine» – dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou en 2012?
«Kirill, qui revendique près de 150 millions de fidèles dans le monde, a choisi son camp. Et ce, au risque de briser l’unité orthodoxe.»
Pour tout dire, le primat de 75 ans file du mauvais coton. Selon les termes employés mardi par le pape François lors d’une interview accordée au «Corriere della Sera», Kirill, élu patriarche de Moscou et de toutes les Russies en 2009, a viré «enfant de chœur de Poutine». Et oui. Le «Métropolite du tabac» comme on le surnomme, allié de longue date du maître du Kremlin «est devenu l’un des principaux soutiens de l’agression militaire russe contre l’Ukraine», peut-on lire dans le document établi mercredi à Bruxelles.
Vrai. Depuis le début «des hostilités» en Ukraine, celui qui voit Poutine comme «un miracle de Dieu» et qui appelle à prier pour la victoire de la «Sainte Russie» enchaîne les homélies belliqueuses. Fustigeant pêle-mêle le consumérisme occidental et la «gay pride», il qualifie le peuple ukrainien et ses alliés occidentaux, qu’il présente comme décadents, de «forces du mal». «Que Dieu nous préserve de ce que la situation politique actuelle en Ukraine, pays frère qui nous est proche, soit utilisée de manière que les forces du mal l’emportent.» Le leader spirituel, qui revendique 150 millions de fidèles dans le monde, a choisi son camp. Et ce, au risque de briser l’unité orthodoxe. Mais visiblement, l’homme de foi n’en a cure. Il persiste et signe.
Une première historique
Raison pour laquelle son nom figure dans la nouvelle liste des personnalités russes à sanctionner qui doit être approuvée par les États membres. Une première dans l’histoire, qui fait tache. À ses côtés? De nombreux militaires soupçonnés d’être impliqués dans des «crimes contre l’humanité et crimes de guerre» à Boutcha, en Ukraine.
À moins qu’il ne l’ait planqué dans la sacristie, Kirill, né Vladimir Mikhaïlovitch Goundiaïev, pourrait ainsi voir son bas de laine – estimé à 4 milliards de dollars – être gelé. Il pourrait aussi être privé de ski en Suisse, où, de source russe établie dans notre pays, il serait l’heureux propriétaire de deux chalets dans les Grisons. Il pourra certes se rabattre sur son luxueux appartement situé dans un quartier chic de Moscou, mais pour l’ex-agent des services secrets «Mikhaïlov», le carême pourrait s’avérer plus long que prévu.
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La rédaction – Le patriarche Kirill n’est-il pas un saint homme?
Bruxelles propose de sanctionner le chef de l’Église orthodoxe dans le cadre d’une nouvelle vague de mesures contre la Russie. Une première qui interroge.