Le partage du travail s'invite dans le monde de l'hôpital
Marie Méan partage son poste de médecin cadre avec un collègue. Rencontre.

Dans le service de médecine interne du CHUV, un organigramme est affiché au mur. Au sommet: huit hommes. Les têtes féminines, elles, apparaissent en dessous, chez les chefs de clinique et les médecins assistants. Tout un symbole. Dans le monde médical, les femmes peinent à grimper dans la hiérarchie (lire encadré). Mais les choses bougent, et l'organigramme en question devra être mis à jour: Marie Méan, 39 ans, a rejoint en février l'équipe de cadres. Pour concilier ce job et sa famille recomposée, elle travaille en binôme avec le directeur de l'école de médecine à Lausanne, Pierre-Alexandre Bart.
La médecin est à l'hôpital du lundi au mercredi. Le reste de la semaine, elle s'occupe de ses enfants, âgés de 5 ans et 18 mois. Les choses se sont faites naturellement. Elle a commencé par partager son travail entre la recherche et les soins cliniques, une pratique assez fréquente. Et, à la naissance de son premier enfant, elle a abandonné l'un de ses 50%.
Une évolution naturelle
«Je ne me suis jamais posé de questions, notamment sur la façon dont ce serait perçu. Pour moi, ce n'était pas négociable.» Selon elle, une telle réduction du temps de travail n'aurait pas été possible plus tôt. «Le plus difficile, dans ce métier, c'est d'être bon en clinique, et pour le devenir, il faut suffisamment de pratique», étaie-t-elle. Et puis «les mentalités ont beaucoup changé» et cela aurait été différent il y a dix ou vingt ans.
«J'adore mon métier. J'ai des ambitions et des projets, mais ceux-ci ne sont pas liés à un poste. Si on gravit les échelons, c'est parce que les compétences acquises nous poussent vers le haut», poursuit-elle. Et de souligner que, pour être un bon médecin, son esprit doit être libre: le temps passé à la maison lui permet d'être «plus motivée et efficace au travail».
Ses enfants représentent son deuxième job, dès le mercredi soir. «Ils ont changé ma vie et m'ont apporté plus encore que mon métier.» Que fait-elle de ses jeudis et vendredis? «L'important, c'est d'être avec eux. La difficulté, c'est de ne pas multiplier les activités pour compenser les moments où je ne suis pas là.»
Etude pilote rassurante
Egalement maître d'enseignement et de recherche, la doctoresse s'est intéressée aux conséquences du partage de postes sur la prise en charge des patients. «C'est une étude pilote. Mais les résultats sont rassurants. Les patients ne sont pas hospitalisés plus longtemps, les examens ne sont pas plus nombreux et la satisfaction des collaborateurs est identique.»
«Quand vous êtes responsable d'une unité de vingt ou trente patients, vous devez les connaître comme si vous étiez là en permanence»
Et au niveau personnel? «Le plus gros risque est d'être insatisfaite des deux côtés. Que d'un côté je n'arrive pas à finir mon travail, et que de l'autre j'aie le sentiment de ne pas être assez à la maison.» Sa solution passe par le lâcher-prise. Si elle lit ses mails depuis la maison, ses collègues ne l'appellent pas durant ses jours de relâche. Même si une personne assure en permanence son travail, il faut se mettre à jour: «Quand vous êtes responsable d'une unité de vingt ou trente patients, vous devez les connaître comme si vous étiez là en permanence.»
Le conjoint de Marie Méan travaille à 100%. «Mais il est indépendant et donc flexible», précise-t-elle. Le féminisme? Pour elle, l'important est que chacune soit libre et puisse trouver son équilibre – en travaillant à plein-temps, à temps partiel ou pas du tout. «J'ai eu des retours positifs de mes collègues cheffes de clinique, qui trouvent chouette que le service de médecine interne permette un tel partage. Il faut une première et j'espère que cela ouvrira des perspectives pour d'autres.»
Signe de ses convictions, Marie Méan présente une étude réalisée aux Etats-Unis. Elle montre que les décès après une hospitalisation sont moins fréquents chez les patients pris en charge par des femmes. «Le propos est provocateur, mais l'analyse est robuste. Si la différence est faible, elle est néanmoins significative. Ainsi, si les médecins hommes travaillaient comme des femmes aux Etats-Unis, on pourrait éviter 32 000 décès par année.» Elle espère que ces conclusions rassureront les patients hospitalisés, qui sont de plus en plus souvent soignés par des femmes. Et elle projette de mener la même étude en Suisse.
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