Alors que la pénurie énergétique approche, PLR, UDC et maintenant le Club Energie Suisse, lobby pronucléaire, appellent à relancer la construction de centrales de ce type. Avec la naïveté d’un enfant croyant à une solution providentielle à tous ses problèmes, ils y voient l’unique issue à nos problèmes, après avoir sabré tous les efforts en matière de transition énergétique depuis l’acceptation de la stratégie énergétique 2050. Leur discours – populiste au possible – s’attaque frontalement à la «dictature écologiste» et aux «idéalistes».
Lorsque l’on déconstruit un tant soit peu leur argumentation, on se rend compte qu’aucun argument pertinent ne plaide aujourd’hui en faveur de la construction de nouveaux réacteurs. L’énergie nucléaire telle qu’elle existe est lente à déployer, peu flexible, plus coûteuse que les alternatives décarbonées, et surtout – pertinent lorsque l’on parle de pénurie – peu fiable et peu résiliente.
Au sujet du coût, tout d’abord, les dernières analyses en date, dont l’étude de 2021 sur le coût unitaire moyen de l’énergie de Lazard, estiment que le coût d’une nouvelle centrale nucléaire, sans même prendre en compte le coût du démantèlement de la centrale à terme ou celui d’éventuelles garanties à apporter, s’élève, dans le meilleur des cas, à 116 $/MWh contre environ 32 $/MWh pour l’éolien ou 27 $/MWh pour le solaire. On passe donc du simple à plus du triple.
Certains rétorqueront que c’est peut-être plus cher, mais que c’est plus simple à gérer, plus fiable, et que cela ne pose pas de problème d’intermittence. C’est une affirmation qui semble intéressante, a priori, mais qui relève bien plus du fantasme que de la réalité. Les centrales nucléaires sont à l’arrêt entre 7 et 12% du temps en moyenne, et ceci quand tout va bien. La France, pays du tout nucléaire, fait état de chiffres bien plus décourageants. En 2019, les centrales nucléaires françaises étaient à l’arrêt en moyenne 96.2 jours pour des interventions planifiées ou forcées. En 2020, 115.5 jours. Aujourd’hui, c’est 28 centrales nucléaires françaises sur 56 qui sont à l’arrêt. Le pays est passé d’exportateur net d’électricité à importateur en l’espace de quelques années. De manière plus générale, on observe que le SAIDI qui mesure, à travers une formule mathématique très simple, la durée moyenne d’interruption de service pour chaque consommateur en minutes, n’est pas plus faible dans les pays dépendant fortement du nucléaire. Au contraire, le SAIDI français est bien plus élevé que d’autres pays européens.
«Notre initiative vert’libérale pour le déploiement du solaire à Genève, visant notamment à garantir de meilleures conditions de financement et à mettre un terme aux barrières administratives, constitue un pas logique et nécessaire dans ce sens»
Soyons clairs, la pénurie que nous traversons aujourd’hui est directement liée au manque de fiabilité du nucléaire, dont la Suisse dépend en hiver via la France. Pas étonnant qu’EDF, dont les marges et le bilan sont loin d’être réjouissants, doive être nationalisée et que la France essaie désespérément de sauver son industrie nationale, aussi inefficace que coûteuse, à coups d’opérations de propagande pronucléaire. Les années à venir seront sombres pour le nucléaire. Le changement climatique menace encore plus la stabilité de ce réseau, très dépendant de la température des eaux pour le refroidissement des réacteurs. Depuis les années 90, les interruptions des centrales nucléaires ont été multipliées par sept. Le réchauffement climatique pousse à choisir entre protection des cours d’eau et production accrue d’énergie. La canicule de cette année a encore souligné la nécessité de diminuer la production, tant en Suisse qu’en France.
Enfin, en matière de fiabilité, il convient de rappeler que rendre son réseau dépendant du nucléaire, c’est créer une instabilité causée par la centralisation des sources d’énergie. Les chiffres le démontrent, le plus un réseau est dépendant des énergies renouvelables, le plus fiable il devient. La
décentralisation combinée à l’alternance des pics de production entre le solaire, l’éolien, l’hydroélectrique, l’augmentation des capacités de stockage des barrages ainsi que le développement de nouvelles technologies créent une diversification bénéfique, moins coûteuse et plus simple à gérer.
Nous connaissons les solutions depuis longtemps. Nous devons investir massivement dans le déploiement de l’éolien et du solaire en priorité, dont le potentiel en Suisse est largement sous-exploité et qui sont à même d’assurer, avec l’hydroélectrique, et la conclusion rapide d’un accord sur l’électricité avec l’UE, notre approvisionnement. Notre initiative vert’libérale pour le déploiement du solaire à Genève, visant notamment à garantir de meilleures conditions de financement et à mettre un terme aux barrières administratives, constitue un pas logique et nécessaire dans ce sens.
Pour rappel, l’OFEN estime que, rien qu’en équipant le parc immobilier, le potentiel solaire de notre pays est supérieur à l’ensemble de notre production nationale l’an dernier. Quant au nucléaire, il fait partie de la solution et restera comme énergie de transition. Le financement de la recherche dans le domaine, tout comme la recherche pour de nouvelles technologies de stockage, doit également être maintenu, mais l’idée de lancer la construction de nouveaux réacteurs est insensée.
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L’invité – Le nucléaire ne nous sauvera pas