Étude de l’UNIGE et des HUGLe lien entre la maladie d’Alzheimer et notre intestin est confirmé
Des scientifiques genevois et italiens apportent la preuve d’une corrélation entre le microbiote intestinal et le développement de plaques amyloïdes dans le cerveau.

Un déséquilibre du microbiote intestinal est bien lié au développement des plaques amyloïdes dans le cerveau, qui est annonciateur de la maladie d’Alzheimer. Le lien était soupçonné depuis plusieurs années par la communauté scientifique, il est à présent prouvé par une une étude qui aura duré plus de cinq ans, menée conjointement par des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), des Hôpitaux universitaires de Genève, du Centre national de recherche et de soins pour les maladies d’Alzheimer et psychiatriques Fatebenefratelli de Brescia, de l’Université de Naples et du Centre de recherche IRCCS SDN à Naples.
Ces résultats, publiés le 10 novembre dans le Journal of Alzheimer’s Disease et annoncés lundi dans un communiqué de l’UNIGE, « permettent d’envisager de nouvelles stratégies préventives basées sur la modulation du microbiote des personnes à risque ».
Comment les intestins influencent-ils le développement de cette maladie? Des protéines produites par certaines bactéries intestinales, identifiées dans le sang des malades, pourraient modifier l’interaction entre le système immunitaire et le système nerveux et déclencher la pathologie.
Des bactéries intestinales libèrent, en effet, des lipopolysaccharides et des acides gras à chaîne courte qui peuvent atteindre le cerveau via le sang et provoquer une pathologie amyloïde et une neurodégénérescence. L’identification de molécules dans le sang qui jouent le rôle médiateur entre le microbiote et le cerveau est l’une des conclusions cruciales de cette étude.
«Ne pas se réjouir trop vite»
Au total, «89 personnes de 65 à 85 ans ont été étudiées, dont certaines souffraient de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies neurodégénératives causant des problèmes de mémoire similaires, et d’autres ne présentant aucun trouble de la mémoire», rapporte Moira Marizzoni, chercheuse au Centre Fatebenefratelli, chercheuse invitée au Centre de la mémoire des HUG et première auteure de ces travaux.
Les scientifiques vont maintenant travailler à l’identification des souches bactériennes en jeu dans ce phénomène. Giovanni Frisoni, directeur du centre de la mémoire des HUG et professeur
en neurosciences cliniques au Département de réhabilitation et gériatrie de la Faculté de médecine de l’UNIGE, invite toutefois à «ne pas se réjouir trop vite.» S’il parvient à être ciblé, l’administration d’un cocktail bactérien destiné à rétablir l’équilibre du microbiote intestinal ou de produits permettant de nourrir les bonnes bactéries ne serait efficace qu’à un stade «très précoce» de la maladie. Or, diagnostiquer tôt les maladies neurodégénératives s’avère toujours aussi difficile. «Ce n’est que le début de la recherche, insiste Giovanni Frisoni, elle prendra plusieurs années au minimum.»
Quelles sont les personnes à risque? «Les personnes souffrant d’une dysbiose intestinale», rappelle Giovanni Frisoni, soit un déséquilibre de la flore intestinale. «La diète dite méditerranéenne permettrait de réduire les risques de démence de 20%», précise-t-il. Ce régime privilégie la consommation en abondance de fruits, légumes, légumineuses, céréales, herbes aromatiques et d’huile d’olive, une consommation modérée de produits laitiers, d’œufs et de vin, une consommation limitée de poisson et une consommation faible de viande.
L’administration d’un cocktail bactérien destiné à rétablir l’équilibre du microbiote intestinal ne serait efficace qu’à un stade «très précoce» de la maladie.»
Un million de personnes touchées
Tim Brockmann, président de l’Association suisse pour la recherche sur l’Alzheimer, se dit «très fier» du travail des équipes suisses et italiennes dont les pistes semblent «encourageantes» et devraient profiter aux futures levées de fonds, afin de poursuivre les investigations. «Si nous parvenons à détecter précisément les bactéries intestinales incriminées, cela permettra de les combattre et d’agir en amont du développement de la maladie», déclare-t-il. L’Association suisse pour la recherche sur l’Alzheimer a versé 300’000 francs en 2019 pour cette étude scientifique et finance le centre de la mémoire des HUG à hauteur de 3 millions de francs sur cinq ans.
Sophie Courvoisier, directrice de l’Association Alzheimer Genève salue également cette nouvelle avancée qui représente «une lueur d’espoir» pour la prévention et le traitement de cette pathologie.
La maladie d’Alzheimer touche directement près d’un million de personnes en Europe, sans compter l’entourage des malades. Il s’agit de la première cause de démence.
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