Programmation lyrique 2023-24Le Grand Théâtre met ses doigts dans les engrenages du pouvoir
Plus que jamais connectée aux problématiques d’aujourd’hui, la maison genevoise présente une saison ambitieuse. Tour d’horizon.

Comment faire face à la lente et inexorable érosion que connaît le Grand Théâtre, lorsqu’on parle de taux de fréquentation de sa salle? Les réponses à ce constat préoccupant (lire ci-dessous) sont multiples, mais il y en a une, sur le front artistique, que le directeur de la maison, Aviel Cahn a placé au centre de son projet en arrivant à Genève en 2019. Elle consiste à inscrire l’institution au cœur de la cité, en nouant des partenariats avec de multiples acteurs culturels de la place, et à irriguer aussi les propositions scéniques de problématiques contemporaines particulièrement prégnantes. Le théâtre comme miroir du monde, comme lieu d’élaboration d’idées et de débats: voilà l’ambition dont il est question. Elle perdurera encore la saison prochaine, à travers ces «Jeux de pouvoir» énoncés en grand sur le catalogue livré mardi lors de la conférence de presse.
Milo Rau et le Congo
Du monde réel, traversé par les tensions géopolitiques que l’on sait, à celui repensé de la scène: le fil rouge garde une tension cohérente, avec des œuvres attendues. D’entrée, «Don Carlos» de Verdi, dirigé par Marc Minkowski et mis en scène par Lydia Steier, illustre quelques facettes de cette trame de fond. On sera ici dans le grand opéra à la française, loin du jeune compositeur de «Nabucco» qui clôturera dans quelques semaines la saison en cours. Ailleurs, la thématique resurgit à travers la création mondiale de «Justice», signée par le metteur en scène suisse Milo Rau – un retour à Genève pour lui, après sa première plongée en 2021 dans le monde de l’opéra avec «La Clémence de Titus» de Mozart. Rédigé avec la complicité de l’écrivain Fiston Mwanza Mujila, le livret évoque l’exploitation désastreuse faite en Afrique par les multinationales de l’industrie minière, à travers le récit de la catastrophe humaine et écologique qui a frappé une ville du Congo en février 2019. Du théâtre documentaire, donc, là où Milo Rau excelle particulièrement.
Le pouvoir et ses drames, on en trouve encore dans «Roberto Devereux» de Donizetti, dernier volet de la «Trilogie des Tudor». qui complète un projet au long cours – un épisode par saison – conçu par la metteure en scène Mariame Clément, sous la direction musicale de Stefano Montanari. Il faut saluer ici l’initiative rare sinon unique de présenter plus tard, deux semaines durant et en rapide succession, les trois pièces, dans une continuité qui rappellera ce qui est fait habituellement avec le «Ring» wagnérien. Une immersion à vivre en juin 2024.
La danse de deux complices
Relevons encore la présence d’une pièce grand public d’Astor Piazzolla, «María de Buenos Aires», avec la signature de Daniele Finzi Pasca à la mise en scène et de Facundo Agudin en maître de la fosse. Mais aussi un «Chevalier à la Rose» de Richard Strauss qui comptera sur une star hollywoodienne pour la mise en scène, Christoph Waltz. Et enfin, un «Idoménée» de Mozart et Leonardo García Alarcón à la baguette, épaulé à la chorégraphie et à la mise en scène par le directeur du ballet du Grand Théâtre, Sidi Larbi Cherkaoui. Le chorégraphe présente quant à lui une affiche tout aussi alléchante, marquée par les interventions de l’artiste associé, Damien Jalet. Pour en saisir l’éclat, rien de mieux que de cueillir «Éléments», triptyque proposé en novembre prochain, qui illustre les échos dans les langages de deux artistes complices depuis plus de deux décennies.
Tout sur la saison du Grand Théâtre sur www.gtg.ch
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