Au début, il y eut le politiquement correct. Cette posture qui consiste à policer excessivement son langage pour ne pas heurter la sensibilité de certaines minorités. Ce fut le règne du contrôle social du discours, du verbe lisse et des euphémismes. Cette façon de tourner autour du pot, de ne pas nommer les choses et de remplacer des observations plausibles par des circonlocutions affectées. Et tant pis si cela éloignait des réalités…
Puis, se propagea la théorie «woke»! D’une censure à l’autre, il n’y avait qu’un pas… Ce mot s’est transformé en véritable aphorisme idéologique dans le langage courant. La théorie désigne la prise de conscience des injustices subies par les minorités et les populations discriminées. Elle exhorte les citoyens à se mobiliser pour les combattre.
Dont acte. Les militants wokistes déboulonnent les statues d’anciens esclavagistes, annulent des conférences universitaires et poussent à la démission certains responsables à l’attitude ambiguë… La chasse de la «cancel culture» (la culture de l’annulation) est ouverte. Nouvelle chasse aux sorcières, elle viserait à ostraciser de l’espace public toute personnalité dont un propos ou une action est considéré comme offensant à l’égard des minorités. Toujours à l’affût de fraîches idées marketing, certaines firmes saisissent ces évolutions comme de nouvelles façons de se réinventer sur le plan commercial. Peu importe si l’idée et ses répercussions font sens ou pas. L’essentiel est d’attirer l’attention et de faire du chiffre. Derniers adulateurs de cette politique: les groupes Disney et Netflix, qui ont fait du «wokisme» une nouvelle façon de commercer. Ces deux firmes accusent des dégringolades boursières notables: entre –40 et –70%, depuis six mois. Abonnements et chiffres d’affaires sont en chute libre. Pourquoi? Une bonne partie de la population américaine est excédée par ces entreprises cherchant à rééduquer leurs enfants avec des théories radicales LGBTQ+. Déjà, d’autres médias proposent des émissions où cette «bien-pensance» est exclue.
Les adeptes du «wokisme» cherchent à dénigrer les opinions opposées et à réécrire l’histoire. Or, nos civilisations sont parvenues à atteindre un semblant de maturité, à la suite de longs siècles d’obscurantisme. Ce n’est pas en biffant nos errances et nos outrances des livres d’histoire que l’on rendra le monde plus sûr et meilleur. Les infamies du passé ne sont pas l’opposé du progrès; elles font partie du progrès. Elles ont permis son avènement. L’humanité s’est faite sur ces deux jambes. Lui ôter ses démences ne la rapprochera pas de la justice, mais lui ôtera son humanité! Certaines revendications proposées par les minorités méritent peut-être l’attention du plus grand nombre. Toutefois, ce n’est pas dans la fureur et le bruit que se conquerront les avancées sociétales.
C’est dans la pédagogie, la patience et l’accompagnement à long terme. Montesquieu écrivait: «Lorsqu’on veut changer les mœurs et les manières, il ne faut pas les changer par des lois.» Qu’il me soit permis de rajouter: «ni par des déboulonnages».
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L’invité – Le déboulonnage des intelligences