500 ans de lutte contre l’obscurantisme«Le combat le plus important de la science aurait dû être le racisme»
Un livre raconte certains des plus grands affrontements de la science au fil des siècles. Interview de son auteur, François Rothen.

Racisme, créationnisme, spécisme, pensée magique ou encore les extraterrestres… En plus de 500 ans, la science a dû faire face à des théories, croyances et préjugés plus ou moins tenaces de toutes sortes. Comment y a-t-elle fait face? Avec quels arguments et quels résultats?
C’est à ces questions que répond le dernier livre de François Rothen, «Les combats de la science» (Éditions EPFL Press), ouvrage didactique et bien documenté qui empoigne la problématique de façon historique. Entretien avec l’auteur, professeur de physique à la retraite.
Quel message votre livre espère-t-il faire passer?
Que la science est une composante inaliénable de la culture, et pas seulement, comme certains le pensent, un terrain de jeu pour les hurluberlus. Je voudrais également convaincre le lecteur que les règles auxquelles la science se tient lui donnent une valeur incontestable, qu’illustre parfaitement son histoire. À cela s’ajoute que je suis allergique à l’obscurantisme. Cependant, je ne me fais pas d’illusions, mon ouvrage ne contribuera pas à le faire disparaître. La même remarque s’applique au racisme. Si toutefois mon livre pouvait convaincre ne serait-ce qu’un lecteur à abandonner ses préjugés contre la couleur de la peau, ce serait déjà un succès.
La pandémie l’a prouvé une nouvelle fois, on demande beaucoup à la science. N’en attend-on pas un peu trop par moments?
Ce qui m’a frappé durant la pandémie, ce n’est pas le rôle joué par la science, que je juge d’ailleurs très positif. Les scientifiques ont donné aux politiciens les conseils qu’ils jugeaient raisonnables, tout en précisant quelles en étaient nécessairement les limitations. Et la science a aussi permis l’élaboration de vaccins qui ont largement prouvé leur efficacité. Ce qui m’a choqué, en revanche, c’est le rôle joué par les adversaires de la science. Les «antivax», notamment, en se déguisant en serviteurs de la liberté, sont allés très loin. Pour se protéger, la société impose un certain nombre de règles élémentaires que personne, ou presque, ne conteste: à l’intérieur de nos villes, par exemple, la vitesse des véhicules est sévèrement limitée. Pourquoi ne refuse-t-on pas à cette même société la confiance qu’elle revendique quand il s’agit de lutter contre l’extension d’une pandémie?
La science serait donc la réponse à toutes les énigmes?
Certainement pas. Les énigmes les plus profondes, les plus essentielles, et qui concernent le sens de la vie, celui de notre présence ici-bas, demeureront à jamais insolubles. C’est le cas de la question de Leibniz: «Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?» Sans remonter si loin, on peut se demander également pourquoi les lois de la nature s’expriment-elles en langage mathématique, pourquoi (ou comment) la vie a-t-elle surgi de la matière inanimée, pourquoi l’espace est en trois dimensions et non pas en deux ou en quatre, pourquoi (ou comment) l’évolution darwinienne a-t-elle donné naissance à la lignée de l’homme. Certaines de ces questions obtiendront peut-être une réponse dans un avenir plus ou moins proche, mais certainement pas toutes.
À vos yeux, quels sont les grands combats que la science va devoir affronter dans le futur?
Aux XIXe et XXe siècles, le combat le plus important de la science aurait dû être le racisme. Tout le monde connaît les ravages qu’il a provoqués. En 2022, les choses se sont améliorées, mais on ne peut pas encore emboucher les trompettes de la victoire. Pour parler du combat actuel de la science, il faut élargir le débat à l’ensemble des discriminations – au machisme, et à l’homophobie, notamment. Il est proprement scandaleux que, en certains points du globe, la femme soit encore considérée comme inférieure à l’homme. Dans le cas de l’homophobie, je m’étonne d’ailleurs que l’on ne se donne pas la peine de discuter ouvertement de l’origine des préférences sexuelles. Pour beaucoup, ce manque de clarté a pour conséquence qu’ils sont convaincus qu’elles sont purement affaire de goût ou, pire, de dépravation. Je crois quand même que, dans l’avenir, la tendance à la discrimination va décroître
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