Robot expérimentalLe «Bubblot»: révolution de l’archéologie aquatique?
Créé à Nyon par une société horlogère, l’ingénieux engin pourrait considérablement accélérer les recherches sous-marines.

Sur le site d’Anticythère, les fouilles s’apprêtent à reprendre en mai après plusieurs mois de pause. Grâce à la présence pour la première fois d’un robot fabriqué sur les bords du Léman, elles pourraient avancer à un rythme jusque-là inégalé.
Le nom de cet engin révolutionnaire est le Bubblot, contraction des mots «bubble» et «Hublot», du nom de l’entreprise qui l’a inventé. Mais comment et pourquoi cette société horlogère de renom a-t-elle décidé de se lancer dans l’archéologique sous-marine? Si la question taraude les spécialistes du domaine, elle interroge également à l’interne de l’entreprise, où certains se demandent quelle mouche a piqué leur ancien patron Jean-Claude Biver.
Pour comprendre ce grand écart, il faut se rendre dans les ateliers de développement de l’entreprise à Nyon. C’est ici que Mathias Buttet réalise les projets les plus fous de la marque. Entouré de machines, engrenages et fils en tout genre, cet ingénieur spécialisé en mécaniques horlogères est le directeur de recherche et développement de Hublot. Un homme dont le foisonnement d’idées et la créativité rappellent furieusement le professeur Tournesol.
La montre stupide
«Lorsque je suis arrivé chez Hublot en 2010, Jean-Claude Biver m’a demandé de travailler sur la réalisation d’une montre de plongée capable de concurrencer les modèles existants. Or, nous en avions déjà une capable de descendre à 4000 mètres de profondeur. Par ailleurs, cela ne servait à rien, puisqu’aucun homme ne peut aller si bas. Je lui ai donc dit clairement que je trouvais cette idée stupide.»
En revanche, l’ingénieur lui parle d’un autre projet en lien avec la machine d’Anticythère. «Cet objet a été découvert sur l’épave du même nom et a révolutionné toutes les connaissances que nous pensions avoir sur l’histoire de la mécanique. Elle est capable de calculer les jours de l’année, la position du soleil, des constellations, les phases de la Lune ou encore de prédire les éclipses solaires et lunaires perpétuellement. Elle peut nous apporter des connaissances extraordinaires et, qui sait, si on en a trouvé une au fond, c’est qu’il y en a peut-être d‘autres!»
Convaincu par l’argumentaire de son employé passionné, le patron de la marque accepte d’abord de réaliser un modèle de montre reproduisant cette machine antique, réalisée uniquement en quatre exemplaires (deux sont conservés dans les locaux de l’entreprise, un au Musée des arts et métiers de Paris et un au Musée archéologique d’Athènes). Il va même plus loin, autorisant son ingénieur à se lancer dans le développement d’un robot capable d’accélérer et simplifier les fouilles archéologiques.

Une première machine voit donc le jour grâce au financement de Hublot en 2014. Une combinaison pressurisée du type scaphandre si élaborée que celui qui la porte peut même faire ses besoins à l’intérieur… Problème: elle pèse 300 kg et peut endommager le site ou certains objets. «On s’est rendu compte que pour pouvoir fouiller sans faire de dommages, il fallait des objets volants. Alors on a inventé une machine avec des drones sous-marins.» Le fameux Bubblot, qui comprend en fait quatre robots ronds et jaunes aux apparences de Minions, est né.
La pièce centrale, dite «la maman», dispose de pieds lui permettant de se fixer sur les fonds marins. Elle contient une pompe extrêmement puissante capable de remplir ou vider une baignoire en quinze secondes et est reliée à trois drones par des tuyaux de 8 mètres de long à flottabilité neutre.
Images bluffantes
Munis de scanners et de détecteurs de métaux, ces derniers ont la capacité d’analyser les oxydes de métaux trouvés dans les sédiments. Ils peuvent aussi gicler de l’eau à forte puissance pour écarter la vase et la terre alors qu’un second tuyau aspire directement les sédiments soulevés.
Toute l’opération est filmée en direct et retransmise dans le camion de Hublot, depuis lequel des spécialistes dirigent les drones et reçoivent des images bluffantes en 3D améliorées. Une technologie également développée par l’équipe de Mathias Buttet, qui a déposé en tout une dizaine de brevets pour ce projet.Grâce au travail des Bubblots, le terrain pourrait être analysé avant l’arrivée des plongeurs. «Ces derniers sauront ainsi où ils doivent fouiller. Ce sera un gain de temps énorme et, si tout va bien, cela devrait nous permettre d’investiguer tout le site en quelques années», se réjouit le spécialiste. Alors, ce robot est-il en passe de révolutionner l’archéologie sous-marine? Pourrait-il être commercialisé par la suite? Il est trop tôt pour répondre à cette question, indique le responsable. Son équipe se concentre pour l’instant sur les fouilles de ce printemps, mais il confirme avoir déjà été approché par différents archéologues souhaitant utiliser son invention sur d’autres sites.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.