Le bâtiment Porteous se vit comme un lieu culturel populaire
La fête organisée samedi, très suivie, préfigurait ce que pourrait devenir ce lieu industriel au bord du Rhône. Le rêve continue. Frondeur et concret. Reportage.
On doit la formule à un haut fonctionnaire travaillant dans l'un des départements cantonaux directement concernés par l'occupation du bâtiment Porteous. Pour qualifier ce lieu qu'il n'a jamais visité, il parle de «cité alternative». Bien dit. Elle est née pour de vrai, cette cité que d'aucuns rêvaient de créer depuis longtemps. Ce week-end, elle était même en pleine effervescence. À la lumière du jour, samedi après-midi, la fête populaire organisée sur le site bat son plein.
Marins d'eau douce
Les extérieurs sont occupés en mode festif. Sur l'esplanade principale, une foire du trône miniature a poussé sous le soleil. L'ambiance est foraine, les familles avec enfants sont nombreuses à profiter de cet espace auquel on accède à pied, à vélo ou en bateau. Le manège à l'ancienne, actionné à la force des bras, tourne sans interruption. Juste à côté, sur le quai d'embarquement, la société des pontonniers a dépêché ses marins d'eau douce. Ils ont mis leur barque à disposition et organisent des croisières sur le Rhône, histoire de varier les points de vue, de mêler les générations, d'admirer du fleuve le porte-à-faux architectural de cet édifice industriel unique en son genre. Mais d'abord le radeau qui en a permis l'abordage (c'était le 25 août au soir) et ce front d'animations au bord du fleuve, échelonnées sur près de 100 mètres.
Ici un stand accueil-info où l'on s'inscrit pour les visites commentées de Porteous; juste à côté un bar devant lequel on fait la queue (la bière à la pression coûte 3 francs, contre 4 à l'Usine!); à un jet de mousse, un four à pizza dans son jus (du bois qui brûle, de la fumée qui sort par une double cheminée); plus loin encore une friterie et une brigade en train de couper les pommes de terre.
Jam de graffiteurs
Sur le quai supérieur, la partie qui commence est plus artistique. Une jam de graffiteurs maniant la bombe et le rouleau de peinture. Chacun son fond, le mur est commun, on a simplement délimité de grands rectangles dans cette toile géante qui se remplit sans embrouille. Il fait chaud, le soleil tape fort sur la pierre, on file prendre le frais à l'intérieur en suivant notre guide assermentée, une jeune femme incollable à l'esprit bâtisseur. Elle réinvente à vue les volumes en nous les faisant traverser du bas en haut.
Tous les âges la suivent et l'écoutent, grimpant dans l'allégresse les échelons de l'échelle à coulisse menant jusqu'à la coursive au-dessus du fleuve. Endroit stratégique, servant de tour de garde. L'occupation a sa vigie. Elle dispose d'un cor de brume, régulièrement actionné au passage des barges naviguant en direction des Cheneviers. Entre nouveaux voisins, puisant dans de vieilles habitudes, on se fait des salutations acoustiques. Le lieu revit sans renier son histoire. Les anciens de Porteous sont présents, mémoire vivante d'un passé ouvrier qui ne demandait qu'à reprendre la parole. Les employés actuels des Services industriels viennent à leur tour boire le café.
Le capital de sympathie de cette adresse occupée n'en finit pas d'augmenter. Les soutiens sont multiples. Une pétition a été lancée ce week-end pour demander au Grand Conseil de mettre le bâtiment de la Step d'Aïre à disposition des milieux culturels. L'occupation, elle, a été «réactée» en assemblée générale. « Nous sommes là et nous allons rester», lancent d'une même voix les pirates du mouvement citoyen «Prenons la ville» qui, depuis maintenant 48 jours, construisent au lieu-dit Porteous «un monde sans prison».
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La police surveille et fait couper l'électricité
Et la police, dans tout cela, que fait-elle? L'ordre officiel de procéder à l'évacuation par la force n'ayant pas été donné – on ne voit pas très bien qui, d'ailleurs, dans le contexte actuel, soutiendrait politiquement cette décision impopulaire – la police, donc, fait travailler en sous-marin sa Brigade de recherche et d'îlotage communautaire (BRIC).
C'est son cahier des charges, de «filocher» les mouvements alternatifs, de les «loger» et, au besoin, de leur couper l'électricité pour rendre plus difficile leur installation dans la durée. C'est ce qui s'est fait deux jours avant la fête de samedi. Les occupants s'étaient «pluggé» sur le courant des SIG, avec la bénédiction de ces derniers, assez admiratifs de la qualité du branchement réalisé. Le courant a été coupé sur ordre de police et le tableau scellé. Depuis, les occupants se déplacent à la lampe frontale, contraints de renoncer à un éclairage intérieur qui rajoutait du confort et de la sécurité.
De la tour du Lignon, une caméra de surveillance filme en continu les déplacements sur la coursive principale par laquelle s'est développé l'abordage du 25 août. Pour faire le décompte et assurer le fichage visuel des occupants, il faudra éplucher des heures et des heures d'enregistrement. Assurer le tri entre les têtes blondes et les têtes grises, les visiteurs uniques et les visiteurs réguliers: un vrai casse-tête policier pour les «spotters» désignés squattant dans les étages du Lignon.
En attendant, les locataires en sursis de Porteous se préparent à affronter des nuits plus froides, à l'approche de l'hiver. La fête est finie, les travaux d'isolation peuvent commencer. Les chantiers à venir sont multiples et les chefs d'équipes souvent féminins. Tous les corps de métier sont réunis (la menuiserie sert de pôle d'excellence!) et les objectifs clairement définis selon le calendrier à venir. Quel calendrier? Quels objectifs? Secret d'occupation. TH.M.
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Les soutiens se multiplient et interpellent nos élus
Le nombre fait la force citoyenne, dit-on. Porteous en profite à sa manière rassembleuse. Pas moins de 45 partis, communes, associations et collectifs ont exprimé publiquement leur soutien à l'occupation en cours. La liste s'allonge chaque jour.
Dernière initiative en date: la pétition adressée au Grand Conseil réclamant une «affectation culturelle des anciens bâtiments de la STEP d'Aïre». Elle a été lancée par la fraîchement créée Association Porteous et est soutenue par le collectif «Prenons la ville».
Un autre collectif vient d'entrer dans le jeu du débat démocratique, celui bien connu pour «une vie nocturne riche, vivante et diversifiée». Son argumentaire tient sur deux pages de communiqué. Il est clair et précis, inspiré par cette «opportunité sans précédent de permettre à des acteurs qui font véritablement la vie socio-culturelle locale de développer un espace de sociabilité et d'expérimentation culturelle conforme aux principes de recyclage de lieux, de diversification de l'offre énoncés par le Conseil d'État en juin 2017.»
Le Collectif nocturne invite ce même Conseil d'État à «ouvrir le dialogue et collaborer avec les acteurs présents sur le site du bâtiment Porteous pour y permettre le développement d'un centre socio-cuturel diurne et nocturne, accessible à tous et respectueux des problématiques de cohabitation nocturne.» TH.M.
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