Logement et économies d’énergieL’Asloca veut assainir les immeubles sans pénaliser les locataires
L’association lance une initiative populaire pour subventionner les rénovations énergétiques des bâtiments tout en limitant les augmentations de loyer.

Ménager la chèvre et le chou. C’est en somme ce que se propose de faire l’Asloca Genève avec l’initiative populaire cantonale dont elle a annoncé le lancement ce jeudi. Son but est d’encourager les travaux d’isolation thermique et l’abandon des énergies fossiles dans le parc immobilier, mais sans pénaliser les locataires par des augmentations de loyer. Le chauffage des bâtiments représentant environ la moitié des émissions de CO₂ du canton, tout le monde est d’accord sur le fait qu’il est indispensable d’agir dans ce domaine. Là où les avis divergent, c’est sur la question de savoir si c’est aux propriétaires de payer les mesures d’assainissement énergétique ou aux locataires, qui peuvent ainsi voir leurs charges de chauffage diminuer.
Pour l’Asloca, il est exclu de faire payer uniquement ces derniers, qui n’ont pas leur mot à dire sur le système de chauffage choisi. Néanmoins, l’association est consciente que si les coûts sont entièrement à la charge des propriétaires, cela peut les dissuader de réaliser ces travaux nécessaires pour lutter contre le changement climatique. D’où l’idée de réactiver un mécanisme de subventionnement qui existe déjà dans la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR) mais n’est plus utilisé depuis longtemps, le bonus conjoncturel à la rénovation. Celui-ci était prévu comme un soutien ciblé à certains types de travaux. En l’occurrence, il s’agirait de le dédier à des mesures d’isolation des bâtiments et au remplacement des chaudières à mazout ou à gaz par des systèmes à énergies renouvelables.
Utiliser l’argent de la BNS
L’initiative de l’Asloca propose d’utiliser la moitié de la part genevoise aux bénéfices de la Banque nationale suisse (BNS) pour réalimenter ce fonds pendant dix ans. Cette part, qui a atteint un montant record de 155 millions en 2020, oscille généralement entre 60 et 80 millions de francs par an. Utiliser l’argent de la BNS permettrait selon l’Asloca de ne pas trop peser sur le budget cantonal et de ne pas prétériter d’autres politiques publiques comme la santé ou l’éducation. À l’origine doté de 20 millions de francs lors de sa mise en œuvre dans les années 90, puis repourvu à plusieurs reprises, le bonus conjoncturel à la rénovation est épuisé depuis au moins dix ans.
Selon le projet de l’Asloca, la subvention couvrirait 20% du coût des travaux (contre 15% dans la version initiale du bonus conjoncturel à la rénovation), somme qui serait déduite des 50 à 70% de l’investissement que le propriétaire est en droit de répercuter sur les loyers selon le droit fédéral. De plus, cette aide exclurait la possibilité prévue par la LDTR de majorer le loyer de 10 fr. par pièce et par mois pour contribuer à l’assainissement énergétique du bâtiment. En clair, si votre loyer atteint déjà le plafond fixé par la LDTR, ces travaux n’auraient aucun impact pour vous, sauf probablement de diminuer vos charges de chauffage. En revanche, si votre loyer est inférieur au plafond, une augmentation est possible, mais dans une mesure moindre que ce qui est prévu par les dispositions actuelles.
«Un plus pour tous les Genevois»
Pour Alberto Velasco, président de l’Asloca Genève, cette initiative est d’intérêt général: «Assainir les immeubles ne concerne pas que les locataires. Cela bénéficie à l’ensemble de la population du canton, y compris les habitants de Cologny, car ça permet de lutter contre le réchauffement climatique. Il n’y a donc pas de raison que les locataires soient les seuls à payer cette politique publique. Elle doit être financée par l’État.»
«Nous n’inventons rien, souligne Carole-Anne Kast, vice-présidente de l’Asloca. Cet outil a fait ses preuves par le passé. Il s’agit seulement de le réactiver et de le renforcer pour répondre aux défis climatiques.» Caroline Renold, juriste, ajoute que la gauche n’était à l’époque pas la seule à promouvoir le bonus conjoncturel à la rénovation: «En son temps, le conseiller d’État libéral Mark Muller le défendait.» Les milieux de la construction aussi. Christian Dandrès, également juriste à l’Asloca, estime qu’il faut lier les enjeux climatiques et la protection des locataires: «La LDTR doit être mise au cœur des problématiques d’assainissement énergétique.» Selon lui, dans le cas contraire, les travaux de rénovation ne feraient qu’augmenter le rendement des immeubles sur le dos des locataires.
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