Reportage en coulisseL’Ariana prépare trois expositions
À partir du 11 décembre, Japon, perroquets et cinéma seront à l’honneur au musée dédié au verre et à la céramique. Récit du montage avant l’ouverture.

L’enjeu a coûté quelques nuits blanches aux scénographes. Car lorsqu’on conçoit des tables destinées à présenter d’exceptionnelles céramiques japonaises vieilles de plusieurs siècles, il s’agit d’en soigner la stabilité. Accueillant déjà quelques vases monumentaux, les sobres et circulaires plateaux noirs réalisés par l’Atelier Oï semblent tenir leur promesse. «On a grimpé à cinq dessus pour voir si ça tenait», s’amuse Ana Quintero Pérez, collaboratrice scientifique au Musée Ariana.
En ce premier jeudi de décembre, le ventre de l’institution dédiée au verre et à la céramique fourmille de techniciens dûment masqués. On zigzague entre les échelles et les couvertures vouées à protéger les précieux objets. La raison de cette fièvre muséale? Les équipes préparent trois expositions, qui ouvriront simultanément au public le 11 décembre prochain et mettent à l’honneur le Japon, des perroquets et le cinéma.
Potiches, lanternes et figurines
Au sous-sol, «Chrysanthèmes, dragons et samouraïs» plonge le visiteur dans le remarquable corpus de céramique nipponne de l’Ariana. «L’ensemble compte près de 800 pièces, datant du XVIIe siècle au début du XXe, détaille Ana Quintero Pérez, qui coorganise la présentation avec Stanislas Anthonioz. Il s’agit d’une des plus importantes collections suisses.» Potiches et lanternes monumentales, vaisselle aux décors opulents ou figurines délicates, ces objets offrent un ample panorama du savoir-faire et des styles des artisans du pays du Soleil levant.
Le projet s’élabore depuis 2013. Plusieurs experts internationaux se sont succédé pour examiner les trésors conservés dans les réserves du musée. Outre les pièces d’apparat ou d’usage quotidien, l’exposition dévoile également de charmantes statuettes figurant des scènes de vie ou des animaux. «Elles étaient destinées aux premiers touristes occidentaux de l’ère Meiji (1868-1912), révèle Stanislas Anthonioz. Malgré de longues recherches, on n’en a pas retrouvé au Japon!»
Les voyageurs fortunés d’avant la photographie rapportaient en Europe ces okimono (littéralement, choses à poser) pour agrémenter leurs intérieurs. Si beaucoup de ces bibelots étaient fabriqués en pâte blanche, un matériau fragile et bon marché, certains s’avèrent d’une facture admirable; comme ce couple de grues en grès ivoire rehaussé d’or, qu’un éminent spécialiste nippon a qualifié de «chef-d’œuvre absolu».
Le Japon sert également de toile de fond à «La maison imaginaire» du 1erétage. L’accrochage s’articule autour de «Contes de la lune vague après la pluie», film culte de Kenji Mizoguchi datant de 1953 et narrant l’histoire d’un potier au XVIe siècle. Le peintre zurichois Uwe Wittwer, la céramiste Aiko Watanabe et l’écrivain bernois Jürg Halter ont puisé dans cette fertile matière cinématographique pour imaginer un univers choral où dialoguent aquarelles et impressions numériques, œuvres en grès et courts poèmes.
«Le fait de conjuguer quatre disciplines nous a séduits.»
«Le fait de conjuguer quatre disciplines artistiques nous a séduits, avance la conservatrice Anne-Claire Schumacher, organisatrice de l’exposition. D’ailleurs, nous n’avons jamais autant investi les murs.» En effet, une paroi est recouverte d’impressions numériques en noir et blanc, une autre tapissée d’une nuée d’aquarelles, inspirées à Uwe Wittwer par des scènes du film et ponctuées des haïkus de Jürg Halter. Au centre se déploient les travaux ocre et épurés d’Aiko Watanabe, qu’une cuisson dans un four à bois pare de glaçures naturelles.
Enfin, les douze vitrines de la galerie ont fait pousser l’envie à Uwe Wittwer de broder autour d’un autre film dont l’intrigue se déroule au XVIe siècle dans la jungle amazonienne: «Aguirre, la colère de Dieu», réalisé par Werner Herzog en 1972. L’artiste a installé dans ces écrins une vingtaine de perroquets en porcelaine choisis dans les collections du musée. Les mignons oiseaux se verront immergés dans l’atmosphère de perdition moite d’«Aguirre» par le biais de plaques de verre garnies de dessins que le peintre a effectués d’après le film. Ces panneaux imprimés se font attendre: le miroitier munichois qui les produit a dû prendre un peu de repos à cause d’un certain virus.
Dès le 11 décembre au Musée Ariana, 10, avenue de la Paix, www.musee-ariana.ch. Ma-di 10 h-18 h. Entrée libre jusqu’à 18 ans.
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