PrécaritéL’accueil à l’hôtel des sans-abri se poursuivra jusqu’à la fin de l’hiver
Cet hébergement innovant tire un bilan intermédiaire positif. Grâce à l’accueil 24 h/24, qu’il faudrait pouvoir appliquer à tous les publics. Les grands précaires en sont privés. Explications.

Dans la petite salle à manger d’un hôtel situé rue Ferrier, à l’entrée du quartier de Sécheron, sur la rive droite. Là, au service, ce mardi après-midi, un conseiller d’État, Thierry Apothéloz, et deux représentants du Collectif d’associations pour l’urgence sociale (CausE), sa directrice, Aude Bumbacher, son président, Fabrice Roman.
Ensemble, ils livrent le bilan intermédiaire de dix mois d’hébergement en chambres d’hôtel, une prestation innovante, jamais expérimentée jusqu’ici sur le territoire genevois. Hier et demain: l’accueil va se prolonger jusqu’au printemps 2022. C’est la première bonne nouvelle.
Les chiffres disent le besoin honoré avec la manière. «Ce sont 606 hommes, femmes et enfants qui ont bénéficié de ce dispositif inédit pour des périodes allant jusqu’à trois mois, auxquels il faut ajouter quelques exceptions pouvant monter à 5 ou 6 mois. L’impératif humanitaire encourage tolérance et souplesse.
Les personnes prises en charge par l’Unité mobile d’urgences sociales (UMUS), le plus souvent à même la rue, dans des conditions individuelles particulièrement difficiles, ont pu bénéficier à leur tour de quatre chambres allouées en permanence.
L’opération a ainsi représenté plus de 46’000 nuitées dans les quatre hôtels partenaires, deux sur chaque rive. Pour la suite hivernale, un cinquième est venu s’ajouter, l’hôtel Ibis au Petit-Lancy, le dispositif complet – financé depuis le 1er novembre, et ce jusqu’au 31 mars 2022, par la Ville de Genève – se montant à 200 places.
Avec la manière: soit un accueil H-24, les bénéficiaires pouvant entrer et sortir à leur guise, tout en ayant l’assurance de disposer de leur chambre jour et nuit. L’innovation réelle vient surtout de ceci: un accompagnement social couplé à la mise à l’abri.

Ce volet socio-éducatif a été dès le départ soutenu par une fondation privée. «Il n’y a pas de miracle, commente Thierry Apothéloz, en charge du département de la cohésion sociale (DCS). Pour que les gens puissent s’en sortir, il faut des professionnels à leurs côtés.» Combien de sorties réussies? En quittant le dispositif, 20% des bénéficiaires ont retrouvé un logement. C’est peu en pourcentages. C’est plus que ne l’imaginaient les travailleurs sociaux eux-mêmes.
L’alternative hôtelière évite le retour en sous-sol – les abris PCi, c’est fini, sauf par grand froid –, mais ne règle pas tout en surface. Les listes d’attente s’allongent, les campements en extérieur ne désemplissent pas et la juste répartition des publics au sein du dispositif se pose plus que jamais.
Les grands précaires, accueillis au foyer Frank-Thomas, sont contraints de retourner dehors chaque jour. H-13 pour eux. Une aberration, compte tenu de leur état de santé péjoré par un trop long séjour dehors. Pour eux, les chambres d’hôtel et celles, toutes neuves, du Passage géré par l’Armée du salut, seraient évidemment plus adéquates.
La question de cette inégalité de prestation, pénalisant les plus faibles, a été posée. Sans réponse, sinon de redire qu’un accueil 24 h/24 a son coût et que les communes genevoises doivent «monter en puissance» dans leur soutien à cet effort consenti depuis vingt ans par la seule Ville de Genève.

La loi sur l’aide aux personnes sans abri (LAPSA) est entrée en vigueur samedi. À trois reprises, le conseiller d’État en a rappelé l’existence lors de ce point de presse utile. Comme un levier législatif à l’attention des collectivités publiques qui traînent les pieds.
Enfin, pour rappel financier, le projet d’hébergement en hôtel a déjà été soutenu par deux fois par le Grand Conseil. Le parlement genevois a voté un crédit de 1,4 million de francs en novembre 2020, puis un second pour la même somme en avril 2021, afin de prolonger l’opération jusqu’à l’automne. La Ville de Genève, encore elle, a donc pris le relais pour les cinq mois qui viennent. Le prix de la chambre, négocié avec les hôteliers hébergeurs, varie entre 65 et 85 francs la nuit.
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