Sexisme et harcèlementLa Ville lutte pour que les femmes s’approprient la rue
L’espace public doit pouvoir être emprunté sans entraves quel que soit son genre. Une campagne d’affichage est prévue en ce mois de novembre.

Des affiches sur les murs, des noms de rue qui changent, des signalisations routières qui ne cachent plus les femmes, mais aussi des actions en coulisses: sensibilisation de la police municipale ou stages d’autodéfense. Après trois ans de campagne, la Ville de Genève a détaillé lundi comment elle compte, d’ici à 2025, poursuivre son combat pour que les femmes s’approprient librement l’espace public. Concrètement: ne pas craindre de rentrer seule tard le soir, ne pas être importunée quand on fait la fête ou ne pas subir de commentaires déplacés en faisant son jogging.
Le combat n’est pas gagné. «Et ça commence tôt, pointe Laetitia Seitenfus, animatrice de stages d’autodéfense. Sept adolescentes sur dix de moins de 15 ans ont déjà subi le harcèlement de rue et cette proportion passe à 100% à 25 ans. Il faut casser la fatalité intériorisée des violences sexistes.» Une trentaine de femmes par an suit ces formations dites de Fem-Do-Chi (une journée, dispensée par des femmes et offerte aux habitantes de la Ville). Si on s’y initie à se défendre physiquement, on s’aperçoit aussi qu’un tel recours devient inutile quand on a appris à développer son assurance et identifier les importuns pour mieux les remettre à leur place.
Éclairage à revoir
Même si les jours de la publicité de rue sont comptés en ville, le programme a scruté les représentations que projette l’affichage. Un examen réalisé en 2019 a débusqué une infime minorité (2%) de placards franchement sexistes, mais aussi un gros quart (27%) qui perpétue de vieux clichés. La branche est apparemment intéressée à évoluer, mais n’est-ce pas caduque avec le bannissement programmé de l’affichage commercial? «On trouve aussi du sexisme dans la publicité culturelle», objecte Valérie Vuille (association DécadréE).
Est-ce un antidote? La campagne s’offre jusqu’à la fin du mois une campagne d’affichage, sous le slogan «Objectif zéro sexisme dans ma ville». Les visuels montrent des femmes qui affirment leur droit à disposer sereinement de l’espace public.
Ayant sanctuarisé une base budgétaire de 225’000 francs par an (plus un poste de travail), les trois ans de croisade vont poursuivre sur leur lancée en étendant leur champ d’action. En abordant aussi les questions d’aménagement, notamment l’éclairage public. En augmentant la pollution lumineuse, au risque de se heurter aux intérêts de la faune? «Pas forcément, répond Héloïse Roman, chargée de projet à la Ville. On peut éclairer moins et mieux répartir.»
Contexte propice
Les campagnes de sensibilisation vont par ailleurs s’étendre, à la fois au sein de l’administration municipale, mais aussi en milieu festif ou encore par des animations ludiques comme un escape game. Les responsables estiment bénéficier d’un contexte propice avec un fort intérêt médiatique et politique pour les questions de genre. «Le seuil de tolérance face aux inégalités et au sexisme a singulièrement baissé, se félicite Alfonso Gomez, magistrat en charge du dossier. Mais il reste trop élevé.»
Le sexisme est-il à sens unique? Que penser d’une manifestation traitant les hommes en général de violeurs? La réponse tombe vite: il s’agit là d’un stéréotype, mais pas de sexisme, ce dernier constituant un système où l’homme n’est pas le dominé. Mais puisque le mâle est l’agresseur potentiel, ne faudrait-il pas lui parler plus directement? «Évidemment que c’est un enjeu de s’adresser aux auteurs, mais encore faut-il qu’ils viennent», répondent les responsables du programme. La Ville juge plus plausible de s’adresser déjà aux témoins de scènes sexistes qui, trop souvent, ne bronchent pas.
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