La Tunisie est dans une situation électorale inédite
Le candidat arrivé deuxième au premier tour de l'élection présidentielle dimanche est actuellement en prison pour corruption.

Le premier tour de l'élection présidentielle tunisienne a un parfum de dégagisme. Le résultat ne sera rendu officiel que ce mardi, mais deux sondages et les premiers dépouillements laissent entrevoir un second tour qui opposera l'universitaire indépendant Kaïs Saïed (19%), arrivé en tête, à l'homme d'affaires emprisonné Nabil Karoui (15%).
La classe politique tunisienne au pouvoir depuis la révolution de 2011 sort assommée. Les divisions et l'émiettement de l'électorat impatient de goûter aux fruits de la croissance économique promise auront finalement ouvert la voie à deux candidats antisystème. Le rejet des élites n'a épargné personne.
«Il s'agit d'un camouflet cinglant asséné aux partis du système», commente le politologue Larbi Chouikha. Les candidats de ce «système» subissent tous une cruelle déconvenue: Abdelfattah Mourou, issu du parti islamo-
conservateur Ennahdha (11%), suivi d'Abdelkrim Zbidi (9,4%) et de Youssef Chahed (7,5%), respectivement ministre de la Défense et chef de gouvernement. Le pays est gouverné depuis 2015 par une coalition gouvernementale associant principalement les «modernistes» de Nidaa Tounes – dont une frange a ensuite fait sécession, au début de 2019, dans la nouvelle formation Tahya Tounes – et les islamistes d'Ennahdha.
«Complot politique»
La Tunisie se trouve désormais confrontée à une situation inédite et que beaucoup redoutaient. Qualifié pour le second tour, Nabil Karoui, 56 ans, est derrière les barreaux depuis le 23 août. Sous le coup d'une enquête pour blanchiment et fraude fiscale, il crie au complot politique. Fondateur de la chaîne privée Nessma, il s'est construit une forte popularité en organisant des opérations caritatives dans les régions défavorisées du pays. «Nous espérons qu'il sera libéré demain pour qu'il puisse mener campagne de façon équitable», a déclaré dimanche soir l'épouse de Nabil Karoui, Salwa Smaoui, devant la presse, avant de lire une lettre écrite par son mari appelant à «une compétition électorale équitable envers les deux candidats, avec un respect total de la Constitution».
Présidentielle: réactions des Tunisiens
La Constitution, c'est justement le dada de Kaïs Saïed, le grand gagnant de ce premier tour. Chargé de cours à la retraite, il s'est fait connaître en commentant les joutes politiques de la Tunisie de l'après Ben Ali, lorsqu'il était invité par les plateaux de télévision. Kaïs Saïed propose, lui, de lutter contre la corruption. Mais c'est aussi un ultraconservateur qui a su attirer des voix autrefois captées par Ennahdha en se déclarant pour la peine de mort, contre l'abrogation des textes punissant l'homosexualité ou contre l'égalité homme femme en matière d'héritage.
La date du second tour de l'élection présidentielle n'est pas encore fixée, mais la situation – sans précédent dans le monde – dans laquelle se trouve Nabil Karoui constitue une épée de Damoclès. «S'il gagne, on est dans une impasse juridique», estime le procureur général adjoint de la Cour d'appel de Tunis, Ibrahim Bouslah. L'homme d'affaires n'est qu'en détention provisoire. Néanmoins, même s'il était libéré, voire élu, cela ne signifierait pas la fin de ses ennuis judiciaires. «Il ne pourrait pas bénéficier d'une immunité présidentielle puisque celle-ci n'est pas rétroactive», explique le magistrat. Et s'il faisait l'objet d'une condamnation avant le second tour? «Une peine de prison ne constitue pas un empêchement pour être un candidat ou même un gagnant des élections en droit tunisien», affirme Mohamed Tlili Mansri, membre de l'instance chargée des élections. À condition que le jugement ne prévoit pas de privation des droits civiques et politiques. L'avenir judiciaire de Nabil Karoui est devenu très politique.
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