Une longue traînée blanche au milieu d’une pente désespérément grise et aride. En découvrant les photos de la piste de descente olympique de Yanqing, j’ai eu un haut-le-cœur. Tel allait donc être le théâtre des exploits de notre Beat Feuz national? J’avoue que ça m’a ôté l’envie de me lever à l’aube pour voir l’épreuve en direct.
Il fait certes très froid en hiver dans la région de Pékin, mais les précipitations y sont aussi rares, hélas, que les droits démocratiques. Voici donc les premiers Jeux d’hiver reposant à 100% sur de la neige artificielle. Si la Russie et la Corée du Sud y avaient déjà massivement recouru en 2014 (Sotchi) et 2018 (PyeongChang), la Chine bat ainsi tous les records d’absurdité en la matière.
J’ai songé à cela l’autre jour, lors d’une randonnée dans le Haut-Valais. Il neigeait à gros flocons quand nous avons chaussé nos skis. Deux heures plus tard, le soleil brillait. Mes amis et moi avancions dans un décor de carte postale. En chemin, l’un de nous parlait de la dernière médaille décrochée par la délégation suisse à Pékin. Je me suis dit: quitte à organiser des Jeux olympiques d’hiver, pourquoi ne pas le faire dans les Alpes? Peut-être même chez nous?
«Cette Suisse si prompte à s’enthousiasmer quand elle gagne, mais qui reste si timorée quand il s’agit de mettre sur pied elle-même les grands événements, ne serait-elle pas capable d’offrir au monde du sport des Jeux raisonnables?»
Vous vous souvenez sans doute de la réponse, cinglante, tombée dans les urnes en 2017 et 2018. Les citoyens des Grisons et du Valais ne voulaient pas de ces Jeux d’hiver. En tout cas pas comme ça. Pas question de dérouler le tapis rouge à des privés, ni à un Comité international olympique frappé de la folie des grandeurs. Les JO, c’est comme les éoliennes: on en veut bien, mais pas dans notre jardin.
Point final? De retour au bureau, j’ai passé un coup de fil à Jean-Philippe Rochat, l’homme qui avait porté avec Christian Constantin le projet mort-né de Sion 2026. Il m’a assuré que la flamme existait toujours, que des gens lui parlaient encore du rêve olympique. Selon lui, il vaudrait la peine de rouvrir un débat qui n’a pas été mené jusqu’au bout. Ne serait-ce que pour tirer les vraies leçons de cet échec.
Communication insuffisante
L’avocat vaudois a sa petite idée sur les raisons du naufrage. Si le projet était bien ficelé, certains de ses promoteurs ont peiné à faire passer l’intérêt de la candidature avant leur ego. Le travail de communication publique a trop tardé. Swiss Olympic n’a pas fait preuve de la détermination suffisante. Et de Berne à Sion, en passant par Lausanne, les autorités cantonales se sont engagées de manière trop inégale, alors que la Confédération mettait un milliard de francs sur la table.
En 2026, les JO d’hiver retrouveront l’arc alpin, à Milan et Cortina d’Ampezzo. Mais les villes ne se bousculent pas au portillon pour accueillir les éditions suivantes. Les victoires de nos athlètes à Pékin peuvent donner l’occasion d’y réfléchir une fois encore. Cette Suisse si prompte à s’enthousiasmer quand elle gagne, mais qui reste si timorée quand il s’agit de mettre sur pied elle-même les grands événements, ne serait-elle pas capable d’offrir au monde du sport des Jeux raisonnables?
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La rédaction – La Suisse veut les médailles olympiques, pas les ennuis
Alors que nos athlètes alignent les exploits à Pékin, qui rêve encore d’accueillir un jour les Jeux d’hiver?