Impact de la guerre en UkraineLa Suisse se prépare à se passer du gaz de Moscou à tout moment
La Suisse risque d’être immanquablement affectée par la menace de la Russie de couper le gaz aux pays «inamicaux». Des discussions sont en cours avec les pays de l’UE.

Le chantage du président russe Vladimir Poutine, qui menace de couper le gaz aux pays «inamicaux» qui ne paieraient pas leur facture en roubles, met l’approvisionnement énergétique helvétique sous tension. La Suisse, qui ne se fournit pas directement en Russie mais par l’intermédiaire de ses voisins, serait immanquablement affectée. D’autant que le pays ne dispose pas de réserves sur son propre sol.
«Certains industriels ont été avertis qu’ils pouvaient recevoir l’ordre de basculer à tout moment sur le mazout», a indiqué à AWP un porte-parole de la société Gaznat, principale société d’approvisionnement de gaz naturel en Suisse romande. Le préavis de l’Office fédéral de l’approvisionnement économique du pays (OFAE) a été transmis à tous les principaux utilisateurs équipés d’installations biocombustibles.
Il s’agit du premier levier pour réduire la consommation avant celui d’un éventuel rationnement des gros consommateurs et d’un appel aux petits à réduire leur consommation.
Du mazout à la place
Pour rappel, la Suisse ne dispose pas de réserves de gaz sur son territoire, et le gaz naturel ne fait pas partie des combustibles pour lesquels il est obligatoire d’en constituer. Cela est dû à l’absence d’emplacements adéquats, tels que des mines de sel ou des couches poreuses, détaille l’édition 2019 du rapport sur le stockage stratégique de l’OFAE.
En cas de pénurie de gaz naturel, les plans de la Confédération prévoient de substituer à ce dernier le mazout extra-léger, qui peut alimenter les installations mixtes. Mais pour l’industrie et les services, ainsi que les chaudières collectives, la proportion d’installations mixtes est de moins d’un quart, précise Ivo Zimmermann, responsable de la communication de la faîtière de l’industrie des machines Swissmem.
La Suisse dispose tout de même de réserves de gaz naturel, mais celles-ci se trouvent à l’étranger. La société Gaznat dispose ainsi de réservoirs de gaz à Etrez, dans le département français de l’Ain. Gaznat est d’ailleurs actionnaire de la société qui exploite les réservoirs, et des accords existent pour empêcher une discrimination des clients suisses.
Mais le risque que le pays où sont stockées les réserves décide de se servir en priorité en cas de crise existe, reconnaît Thomas Hegglin, porte-parole de l’Association suisse de l’industrie gazière (Asig).
Industriels inquiets
De leur côté, les industriels s’inquiètent de voir la Confédération privilégier l’approvisionnement des ménages en cas de pénurie, reconnaît-on chez Swissmem.
Le niveau des prix du gaz pèse lourdement sur les marges des entreprises et sur leurs capacités à investir dans l’innovation. Pas moins de 23% des industriels interrogés par Credit Suisse s’attendent à devoir recourir au chômage partiel au cours des six prochains mois en raison de l’envol des prix de l’énergie, selon une étude publiée vendredi.
Si l’approvisionnement pour les prochains mois est assuré, au niveau politique la priorité est dans l’immédiat de diversifier les sources d’approvisionnement.
Utiliser les stocks de l’UE
La Confédération est en discussion avec les pays voisins pour accéder à une utilisation commune des stocks de l’Union européenne, qui a décidé un remplissage des réserves à 90%. Une task-force fédérale réunissant tous les acteurs du gaz en Suisse planche actuellement sur les différents scénarios prévus pour l’hiver prochain et doit rendre ses propositions fin avril.
En Suisse romande, la part du gaz russe est de 19%, soit moitié moins qu’en Suisse alémanique, dont le réseau est alimenté en grande partie depuis l’Allemagne, selon Gaznat.
Jeudi, Vladimir Poutine a déclaré que les acheteurs européens devraient payer leurs achats de gaz en roubles depuis des comptes dans des banques russes, faute de quoi «les contrats en cours seront arrêtés» et les livraisons suspendues.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a aussitôt répondu que les pays européens continueront de payer le gaz russe en euros et dollars comme cela est «écrit dans les contrats». En déplacement à Berlin, le ministre français de l’Économie Bruno Lemaire a dans la foulée déclaré que la France et l’Allemagne se préparaient à un potentiel arrêt des importations de gaz russe.
ATS
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