Mode éthique«La Suisse ne peut plus fermer les yeux»
Corina Gredig, conseillère nationale zurichoise (Vert’libéraux), a lancé une initiative parlementaire visant à étendre le devoir de diligence des entreprises suisses au travail forcé.

Pourquoi avoir proposé de légiférer sur ce sujet?
Le Parti communiste chinois a fait interner plus d’un million de personnes dans des camps de «rééducation», mais on sait très bien que ce sont des camps de travail forcé. Nous ne pouvons pas continuer à profiter de cette situation. Sans compter que pour les entreprises qui ont des usines sur place ou achètent des matières premières là-bas, cela représente un avantage concurrentiel par rapport à celles qui revendiquent une production locale et responsable. L’Union européenne est en passe d’interdire l’importation de produits issus du travail forcé des Ouïghours. Les États-Unis l’ont déjà fait, ainsi que le Canada et la Grande-Bretagne. La Suisse ne peut plus se contenter de tables rondes. On ne peut plus fermer les yeux.
Que proposez-vous concrètement?
Le parlement a établi un contre-projet indirect à l’initiative pour les multinationales responsables, entré en vigueur au début de l’année. Le texte prévoit déjà un devoir de diligence sur le travail des enfants. Cela tombe bien: on peut l’élargir au travail forcé. Pour les entreprises aussi, ce sera une mesure utile, parce qu’elles pourront arrêter de travailler au Xinjiang en disant à Pékin qu’elles y sont obligées, ce qui leur évitera probablement des représailles commerciales.
Mais comment vérifier que les entreprises jouent le jeu? Aucune sanction n’est prévue par le texte…
C’est clairement une première étape. Rien n’empêche de mettre en place des sanctions dans un deuxième temps. Pourquoi, par exemple, ne pas imaginer une étiquette obligatoire sur les vêtements, comme ces photos de malades sur les paquets de cigarettes? Imaginez que je veux acheter des chaussures à mon enfant, et qu’il est écrit dessus qu’elles ont été fabriquées par des travailleurs forcés… Lorsque, à l’époque, le secteur du textile a été contraint de mettre «Made in China» sur ses vêtements, il a grincé des dents, puis s’y est habitué.
Pensez-vous que votre initiative sera votée?
C’est la première initiative parlementaire qui a gagné une majorité en commission au Conseil national, donc c’est bon signe. Même les camps bourgeois ont compris qu’il fallait agir. La prochaine étape, c’est faire voter le texte à la commission du Conseil des États. Si ça passe, alors nous pourrons faire voter un projet de loi au parlement. La Suisse doit agir.
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