La neutralité a un prix. Et l’industrie de l’armement suisse est en passe de le payer. L’Allemagne veut en effet renoncer à l’armement «made in Switzerland» suite aux refus répétés du Conseil fédéral de laisser Berlin livrer des munitions et des chars helvétiques à l’Ukraine. Berne se base sur une loi on ne peut plus limpide: la Suisse ne peut pas approvisionner, même indirectement, un pays en guerre.
Le pays des Conventions de Genève ne doit-il pas se tenir à l’écart des conflits?
Le débat fait rage jusque sous la Coupole fédérale. Le président du Centre, Gerhard Pfister, par exemple, appelle à un assouplissement de la loi. Ignazio Cassis a fait une tentative ratée avec la neutralité «coopérative». L’UDC, elle, récolte des signatures pour une neutralité «stricte».
Avec l’invasion de l’Ukraine, l’héritage de la Suisse est de moins en moins audible sur la scène internationale. On entend déjà chuchoter les critiques. La Suisse cautionnerait la barbarie perpétrée sur le territoire de l’Europe. Il y a aussi le reproche de la lâcheté.
Ce que nos chers amis et voisins oublient, c’est que la Suisse a déjà mis beaucoup d’eau dans le vin de sa neutralité. Elle a clairement pris position contre l’invasion russe, puis repris sans broncher les principales sanctions contre le régime de Poutine. En fait, la livraison d’armes est le dernier rempart pour préserver la neutralité.
Le pays des Conventions de Genève ne doit-il pas se tenir à l’écart des conflits? Est-il envisageable que, dans le sillage de l’Ukraine, il s’engage dans tous les conflits et saccage ainsi sa tradition humanitaire? La vocation de notre pays n’est-elle pas au contraire d’offrir une terre en Europe où les pourparlers de paix peuvent se tenir?
Oser une voix différente, cela demande du courage. Notre neutralité force à un peu de recul, de sagesse, elle insuffle aussi du questionnement chez les autres. C’est au nom de tout cela qu’il faut la défendre. La Suisse tord un peu sa neutralité pour l’Ukraine. C’est compréhensible. Mais elle doit veiller à ne pas briser son âme.
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Éditorial – La Suisse doit avoir le courage de sa neutralité
L’Allemagne ne veut plus acheter d’armement à la Suisse après le refus de Berne de la laisser livrer des munitions à l’Ukraine. La neutralité a un coût.