Il était une fois le 28 juin 2021. Dans la touffeur surréaliste de Bucarest, l’équipe de Suisse éliminait la grande France de l’Euro. Personne n’a oublié l’indélébile 3-3 de Mario Gavranovic (délire) ni le divin arrêt de Yann Sommer sur le penalty de Kylian Mbappé (extase). Mais qui se soucie, aujourd’hui, du sort de Haris Seferovic, sans qui rien n’eût été possible puisqu’il a marqué les deux premiers buts? Pas grand monde pour s’émouvoir de son prêt par défaut, au dernier jour du mercato, chez le 16e du championnat espagnol.
Il n’est pas question de plaindre ce jeune homme qui navigue entre Lisbonne, Istanbul et Vigo, très bien payé afin d’exercer sa passion de gamin (courir comme un fou et, si possible, planter des goals). Mais son cas dit beaucoup du caractère volatil, fragile, d’une carrière de footballeur d’élite.
«En dix-huit mois, le héros Haris Seferovic est redevenu obscur. C’est son lot d’avant-centre. Dès qu’il ne brille pas, c’est la nuit.»
Il raconte à quel point un joueur, au-delà de son talent et de son caractère, n’est jamais totalement maître de son destin. Il rappelle aussi que par-dessus le marché des transferts, derrière les produits que sont devenus les champions, il y a des hommes. Avec leurs failles, leurs déveines et leurs impossibilités, parfois. Et puis cette machine à fric qui peut les broyer autant qu’elle les choie, corps meurtri et âme retournée.
En dix-huit mois, le héros Haris Seferovic est redevenu obscur. C’est son lot d’avant-centre. Dès qu’il ne brille pas, c’est la nuit. Dès qu’il ne «score» pas, c’est la débandade. Alors les doutes reviennent, la trouille de la mettre à côté, la pression permanente d’un milieu ultraconcurrentiel. C’est la solitude du buteur au point de penalty.
Haris Seferovic connaît bien ça. Il l’endure depuis ses premiers crampons, en mode crescendo. Alors il s’accroche à son rêve de gosse et à ses galères d’adulte, fort de ce que l’on ne pourra jamais lui enlever: le 28 juin 2021.
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Haris Seferovic – La solitude du buteur en panne
Héros national à ses heures, l’attaquant de l’équipe de Suisse sait aussi ce que veut dire galérer. Il a quatre mois pour rebondir à Vigo.