La Société des arts révèle Alfred Dumont
Un peintre oublié éclaire la Genève artistique de la fin du XIXe siècle.

Pas facile de consacrer une exposition à un inconnu! La Société des arts se prête au jeu jusqu'au 11 novembre dans la salle Crosnier du Palais de l'Athénée. Le peintre et collectionneur Alfred Dumont (1828-1894) a eu son heure de gloire à Genève dans la seconde moitié du XIXe siècle. Très lancé dans les cercles artistiques et à l'abri des soucis d'argent grâce à la fortune familiale, Dumont peint, voyage et collectionne pour le plaisir. L'un de ses prénoms est Étienne, car le célèbre juriste Étienne Dumont était son oncle et son parrain, mort un an après la naissance de son filleul.
Sylvain Wenger et Frédéric Hueber sont les deux commissaires de cette exposition. Chacun a soutenu sa thèse de doctorat en 2016, l'un en histoire économique et l'autre en histoire de l'art. Le premier est chargé de valoriser le très riche patrimoine de la Société des arts. Le second a rejoint l'équipe de l'Athénée pour la réalisation de l'exposition et de son catalogue, un joli volume de 195 pages fort détaillé et bien illustré.
Le legs du siècle
«Le legs Alfred Dumont est l'un des plus importants dont notre institution ait bénéficié. Trois mille dessins parmi les 8000 qu'elle possède sont de lui», explique Sylvain Wenger. «On les trouve pour la plupart dans les albums où leur auteur les a collés. Impossible de montrer davantage que deux pages par album; le choix n'a pas été facile», reconnaît le commissaire.
Le bleu des pages sur lesquelles sont fixés les dessins est devenu celui des murs de la salle Crosnier. En haut court une frise étonnante, inspirée à l'artiste Benoît Billotte par des éléments de décoration reconnaissables sur des céramiques de la collection Dumont. Cette touche d'art contemporain se prolonge dans une antichambre où du mobilier disparaît sous de grands tissus africains multicolores. «Cette installation évoque à la fois l'enracinement genevois d'Alfred Dumont et son goût pour les voyages», confirme Sylvain Wenger. «Il a présidé ici, en 1883, la classe des Beaux-Arts de la Société des arts, à laquelle il a légué, entre autres choses, les notes et les croquis de son voyage autour du monde, effectué de janvier à août 1891.»
Un ami d'Albert Anker
Le titre de l'exposition est «L'héritage insoupçonné d'Alfred Dumont». «Nous avons donc placé le fac-similé de son testament à l'entrée», signale Frédéric Hueber. «Ce document permet de comprendre pourquoi ses tableaux et ses dessins, les céramiques et les gravures qu'il avait collectionnées, les livres de sa vaste bibliothèque se retrouvent aujourd'hui dans plusieurs institutions genevoises publiques et privées. Son testament nous fait entrer dans l'univers du personnage, révélant les noms de ses amis et quelles œuvres il soutenait. On peut se faire une idée de sa fortune et de ses goûts artistiques. Il avait étudié le droit à Genève, avait été Zofingien, puis s'était orienté vers la peinture, d'abord à Genève avec Lugardon, puis à Düsseldorf, où il avait retrouvé Benjamin Vautier, et enfin à Paris, dans l'atelier du Suisse Charles Gleyre.»
Dans la capitale française, Alfred Dumont fait la connaissance d'un jeune peintre suisse de trois ans son cadet, avec lequel il noue une solide amitié. Albert Anker offre au Genevois une esquisse de son célèbre tableau «L'examen d'école». Ce dessin voisine dans une vitrine avec une lettre du même Anker à Dumont, dans laquelle il lui demande s'il est facile pour un collègue de trouver un atelier à Genève, et surtout «une femme aux formes passables […] qui veuille bien dévoiler ses effets devant le peintre le plus pudibond du monde».
«Alfred Dumont a peint des paysages et des scènes avec des personnages dans le goût de son temps, mais il a aussi eu une activité d'illustrateur qui l'ancre dans l'actualité genevoise et suisse du XIXe siècle», explique Frédéric Hueber. «Son Zofingien l'arme au poing rappelle la menace de guerre de 1856; son dessin de l'inauguration du Monument national en 1869 exalte le sentiment d'appartenance à la Suisse; ses internés dans le Palais électoral illustrent un épisode du conflit franco-prussien de 1870.» Jusqu'au 11 novembre au Palais de l'Athénée, www.societedesarts.ch
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