Prix de l’architecture (4/10)La sobriété pour servir la lumière et la matière
Dans le quartier des Sciers, le bureau Bassi Carella Marello propose une architecture minimaliste assumée tout en misant sur la qualité des matériaux.

Le quartier des Sciers est encore tout frais. Les arbres sont à peine plantés et les derniers chantiers s’achèvent gentiment. Dominant le Bachet-de-Pesay, sur la commune de Plan-les-Ouates, le caractère de ce nouvel ensemble s’affirme déjà fortement. Près de la moitié des immeubles ont été conçus par le bureau Bassi Carella Marello, dont quatre sous commande de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG).
Le caractère? Avant toute chose, Roberto Carella nous emmène dans un appartement. «Il ne sert à rien de parler du squelette si on ne voit pas d’abord l’intérieur.» Le logement que l’on visite est au cinquième étage. À l’entrée, un hall qui distribue les pièces et donne sur un séjour-cuisine à l’angle du bâtiment. Ce qui frappe d’emblée, c’est la lumière. La pièce est presque totalement ouverte sur l’extérieur, avec de grandes baies vitrées qui descendent à environ 40 cm du sol. Même dispositif au balcon: un muret bas surmonté d’un garde-corps en verre. Assis dans un fauteuil, on a la vue entièrement dégagée sur le paysage.

Les matériaux sont riches, les finitions soignées. Les parquets sont en planches de chêne, tout comme les boiseries. La face intérieure des fenêtres est aussi en bois. La lumière et un sentiment de franche solidité imprègnent cet espace. «On retrouve ses équipements dans tous les appartements, qu’ils soient subventionnés ou pas», insiste Roberto Carella.
Retour à l’extérieur. Il faut bien évoquer ces façades dont la simplicité austère impose une forte présence. Avant même de pénétrer dans le quartier, on les aperçoit de loin depuis la route du Camp qui mène à Saconnex d’Arve. De ce point de campagne, les immeubles, légèrement décalés les uns par rapport aux autres, semblent mis en ordre de bataille. Comme si la ville, pareille à une grande vague, allait débouler.
Ce sentiment s’apaise à l’intérieur du quartier. D’abord parce que la densité n’est pas si forte. Aussi parce que le terrain, en légère pente, et la disposition des bâtiments, offrent des trouées avec de superbes vues sur le Salève et le Jura. Enfin, parce que les immeubles alternent des hauteurs différentes, de trois à sept étages.

Portique généreux
Les entrées d’immeubles sont remarquables par leur générosité. Elles sont reliées entre elles par une arcade agrémentée d’un long banc et portée par de gros piliers. Ce portique peut s’élever jusqu’à 3,60 mètres. «C’est important, avant de rentrer chez soi, d’avoir ces espaces de transition, relève Andrea Bassi. Cela procure le sentiment de partagé un lieu en commun.»
C’est ici que se manifeste la particularité de cette architecture: la matière. À savoir du béton. Non pas gris et lisse, mais granulé et présentant une large gamme de couleur beige et vibrant au soleil. C’est le résultat d’un choix constructif.
Une explication s’impose. Il faut savoir qu’il y a une vingtaine d’années, les normes environnementales ont imposé d’isoler les bâtiments à l’extérieur. On a alors disposé une couche d’isolant devant les murs, que l’on recouvrait d’un crépi ou de plaques d’Eternit ou de métal. Le bureau Bassi Carella, comme quelques autres confrères, ont refusé ces façades artificielles et bon marché et ont opté pour une autre solution: des éléments préfabriqués qui prennent l’isolant en sandwich entre deux couches de béton. Ainsi, les façades ont la robustesse de la pierre.


Ce béton est fait d’agrégats provenant souvent du bassin genevois. Et les éléments préfabriqués sont montés à Satigny. «Ce qui en fait un matériau local utilisant des savoir-faire de la région», insiste Andrea Bassi.
Ces éléments préfabriqués sont grands. Ils ont la forme de L géants disposés de manière à entourer les fenêtres, comme un jeu de construction. L’expression générale est ainsi minimaliste, sans ornementation. Un choix qui semble aussi politique qu’esthétique. «Cette manière d’aller à l’essentiel est non seulement solide et durable, elle est aussi rationnelle et nous donne des moyens pour choisir des matériaux de qualité dans les appartements», explique Andrea Bassi.
Le corps de la ville
Elle résulte aussi d’une certaine «retenue». Le bâtiment n’est pas conçu comme un objet unique, spectaculaire, mais comme un élément formant le tissu urbain, «le logement étant le corps de la ville». «L’architecture doit rester calme pour laisser la place à l’utilisateur», estime Andrea Bassi. Considérée ainsi, et répété à plusieurs reprises sur le territoire, «elle participe ainsi à l’identité urbaine». Et il est vrai, conclut l’architecte tessinois, «qu’avec la culture protestante, ça ne rigole pas beaucoup. Mais au moins ça dure.»

Cette opération est réalisée en partenariat avec le Département du territoire.
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