«La salle de l'Alhambra est sous-exploitée»
Alors que le lieu fait le plein avec Antigel, la direction du festival dénonce: conçu pour accueillir jusqu'à 1100 personnes mais limité à 750, l'Alhambra ne remplit pas son rôle.

«Nous avons à Genève une salle magnifique dont nous ne pouvons exploiter tout le potentiel. L'Alhambra est comme un oiseau dont on aurait rogné les ailes pour l'empêcher de prendre son envol». Il faut toute l'emphase d'Éric Linder, directeur artistique d'Antigel, pour décrire ce qu'il considère comme une situation absurde. «Les concerts organisés à l'Alhambra remportent un franc succès, la plupart sont à guichets fermés. Pourtant, la salle est remplie aux deux tiers seulement.»
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Rénové à grands frais, l'Alhambra possède un cachet inouï et des qualités acoustiques désormais excellentes. Mais après deux ans d'exploitation suite à sa réouverture, un constat irrite ses usagers: la jauge actuelle de la salle, autorisée pour un maximum de 750 places, ne permet pas d'utiliser à plein l'espace à disposition. Lors de sa rénovation, en effet, l'ancien théâtre a été réaménagé pour accueillir jusqu'à 1100 personnes, grâce à un dispositif modulable permettant de retirer la moitié des sièges au parterre, une partie du public se retrouvant alors debout devant la scène.
L'héritage d'un compromis
Pour les organisateurs de concerts, pareille situation induit un manque à gagner sur la vente des billets d'entrée: 350 tickets en moins, ce n'est pas rien. À 30 francs pièce, cela fait tout de même 10 500 francs. «Pour une manifestation comme Antigel, subventionnée mais qui doit pouvoir compter sur l'argent de la billetterie, le manque est conséquent», note Éric Linder. Même son de cloche du côté de La Bâtie: engagé durant six éditions consécutives, le programmateur sortant Philippe Pellaud note «l'incompréhension des artistes qui ont l'habitude de jouer dans des salles combles». Nommons John Cale, Cat Power ou Echo & The Bunnymen, des pointures internationales «enchantées» par les lieux, il est vrai, mais qui n'auront pas manqué de s'interroger sur le pourquoi des balcons inoccupés… Vu de la scène, l'image est saisissante: même à guichets fermés, lorsqu'une partie du public se tient debout devant la scène, comme c'était le cas il y a quelques jours encore à Antigel pour Lomepal, ou l'année passée pour Trentemøller, la salle souffre d'un vide certain.
Compromis de Pagani
Pourquoi ne pas utiliser la capacité complète à 1100 places? Cette jauge est légale, rappelle la Ville, en charge des lieux. Sorties de secours, circulation du public: les normes de sécurité ont été élaborées dans ce but. Ce qui manque, c'est l'autorisation. Pour éviter un référendum sur un projet âprement débattu, que ses détracteurs jugeaient «pharaonique» tandis que les habitants du quartier craignaient les nuisances sonores et la venue de semi-remorques, le magistrat de la ville en charge des travaux, Rémy Pagani, avait proposé un compromis. Une salle de concerts limitée à 750 places. Tandis que les plans de rénovations, eux, gardaient en tête la jauge 1100 places. Au cas où le climat changerait?
Des semi-remorques, on en a vu passer, notamment pour le spectacle de Stephan Eicher et ses automates. Personne n'y a trouvé à redire. Des nuisances sonores? On a observé des jeunes à Lomepal, dimanche passé, bien disciplinés. Qu'est-ce qui empêche l'Alhambra de jouer à plein sa carte initiale, un bon gros volume de 1100 places au centre-ville? «Nous souhaitons entrer dans une phase test d'augmentation de la jauge, pour voir ce qu'il en est concernant l'accueil du public», répond la coordinatrice de la salle, Karin Strescher, déléguée par l'Association des usagers de l'Alhambra (AdUdA). Et les autorités? «Sur les deux premières années d'exploitation, on s'aperçoit que la jauge est limitative parce qu'elle empêche la venue d'artistes plus importants», indique Dominique Berlie, conseiller du magistrat Sami Kanaan, chef du Département de la culture et du sport. Pour obtenir une autorisation, cependant, il faudra refaire le processus dans son entier: «La procédure a été lancée, explique Félicien Mazzola, porte-parole de Sami Kanaan. Volonté il y a d'évaluer l'augmentation de la jauge, de manière contrôlée, avec une série de tests lors de l'un ou l'autre festival.»
Un plus pour les festivals
Reste un dernier aspect à prendre en compte, et non des moindres. Limiter la capacité permettait de se prémunir des ambitions des organisateurs commerçants. Opus One ou Live Music, pour ne citer que les plus importants. Au bénéfice des associations culturelles à but non lucratif? Oui, parce qu'une salle de 750 places n'est pas assez grande pour gérer le risque financier sur un concert de moyen gabarit. À 1100 places, en revanche, la donne devient gérable. Faudra-t-il établir des quotas pour repartir les privés et les associations? L'AdUdA veille déjà au grain; elle a inscrit dans son cahier des charges la «valorisation des associations culturelles locales», rappelle Karin Strescher.
Antigel et Bâtie, les deux grands festivals genevois, gagneraient à disposer d'une jauge augmentée. Les autres usagers? Ils ne sont pas contre, mais n'en ont pas tous besoin: «Parmi les plus gros artistes que nous avons pu nous offrir, John Scofield a joué l'an passé à l'Alhambra, devant 400 personnes, précise Martin Wisard, de l'AMR. Si Wayne Shorter était à notre portée, alors, oui, ce serait intéressant d'avoir une jauge de 1100 places, ce qui équivaut au remplissage moyen du Victoria Hall pour le jazz.» Notons que l'AMR, cette année, organise fin février l'entier de son festival au Sud des Alpes, 180 places. Pour des raisons de jauge.
«L'Alhambra a une carte à jouer à la mesure de la région romande, conclut Éric Linder. Un lieu de 1100 places, qui plus est au centre-ville, c'est ce qu'il faut pour proposer des artistes cotés. Genève aurait alors une salle capable de soutenir la concurrence avec le reste du pays.»
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