Décidément, Mme Emery-Torracinta entend mener une farouche campagne politique en vue de la votation du 15 mai sur son projet de réforme du CO. Après l’information obligatoire sur le projet que devront subir tous les enseignants, après leur demi-journée (sic!) de formation, elle convoque, dans un entretien avec la «TG» du 31 mars, l’esprit de la mixité qui retarde la sélection scolaire. Et de citer en vrac la majorité des pays, les meilleurs dans les résultats PISA, ainsi que d’autres cantons romands. Cerise sur son gâteau, elle invoque, à l’appui de son projet de loi, la réforme II du CO, un système hétérogène avec niveaux et options, partiellement en vigueur à Genève entre 1973 et 2013 dans trois cycles, système dans lequel j’ai enseigné pendant dix-sept ans et qui n’a précisément rien à voir avec CO22.

En effet, Mme Emery-Torracinta mélange allègrement, volontairement ou pas, les lanternes de l’hétérogénéité et les vessies de la mixité intégrée de son projet. Voyez plutôt: la Finlande, leader dans les résultats PISA, est totalement hétérogène jusqu’à la fin de l’école obligatoire, la réforme II avait aussi introduit l’hétérogénéité complète durant la première année du CO. En revanche, CO22 prévoit des divisions dès la première année: division de la classe en allemand et en maths en deux groupes suivant les compétences des élèves, institution d’une voie rapide qui identifie en 9e les tout bons élèves, remplace six à sept heures de cours avec leurs camarades par d’autres cours visant à anticiper le programme de 10e année, qu’ils sauteront gaiement pour se retrouver directement en 11e!

CO22 met donc en place trois vitesses différentes, trois groupes d’élèves distincts dans un brassage des classes qui va rendre la tâche des enseignants impossible! Est-ce là l’esprit de l’hétérogénéité? Peut-on prétendre lutter contre la stigmatisation des faibles alors qu’inévitablement, nous retrouvons la séparation entre (très) bons élèves, élèves moyens (avec de bonnes compétences en allemand et en maths, mais exclus de la filière d’excellence), et élèves ni bons, ni moyens, donc…

CO22 est une réforme qui réussit le tour de force désolant de ne satisfaire ni les tenants d’une véritable hétérogénéité, ni ceux de la séparation stricte entre filières d’étude. CO22 tente le mélange des deux formules en introduisant de la ségrégation au sein même des classes. Vraiment étonnant pour un projet qui prétend en finir avec le système de son prédécesseur, collègue de parti, dont Mme Emery-Torracinta dénonce l’effet de ghettoïsation!

CO22 est par ailleurs une réforme inaboutie, puisque le projet de loi n’est à ce jour pas assorti de son règlement d’application. Comment les élèves seront-ils évalués, comment les enseignants seront-ils formés? Pourquoi délester les classes des plus scolaires quand on prétend que l’hétérogénéité favorise ceux qui le sont moins? Autant d’inconnues et d’incohérences qui invitent à voter non à CO22 le 15 mai prochain.

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