J’ai interpellé le Département de l’instruction publique au sujet de la distance raisonnable entre le domicile et le travail dans les écoles genevoises. En effet, une directrice d’école primaire qui habitait jusque-là la France voisine, à une heure de son travail, allait dorénavant habiter Colmar!
Laconiquement, le DIP a répondu que ladite personne respectait «le cadre légal en vigueur», «de façon à garantir la délivrance de la prestation». On croit rêver! Que le département ne perçoive pas le problème qui existe dans ce cas de figure surréaliste et qu’il se claquemure derrière une formule digne de Courteline est proprement abracadabrantesque!
Lorsqu’en 2008-2009, il s’est agi de créer ces postes de directeurs des écoles primaires, et devant la forte opposition à cette mesure qui paraissait inutile et dispendieuse à un grand nombre de députés dont j’étais, l’argument principal avait été que les inspecteurs, au nombre de 25, souvent absents de tel ou tel établissement ne pouvaient répondre aux questions des parents. Il s’agissait donc d’assurer une permanence sur place afin d’être en phase avec les demandes parentales de plus en plus nombreuses.
Le poste de directeur ne peut se contenter d’une «délivrance de prestation». Il est choquant d’utiliser cet argument technique et déshumanisé. Un directeur doit assurer un rapport humain entre les différents collaborateurs de l’établissement, acquérir une connaissance quotidienne de l’évolution des situations ainsi qu’une connaissance suivie des parents habitants la commune. Il est le pivot d’une équipe et d’un quartier dont la présence est requise. Sinon, autant se passer de directeurs.
«Une directrice d’école primaire, qui habitait jusque-là en France voisine, allait dorénavant habiter Colmar»
Je ne vais pas me satisfaire de cette réponse lamentable du DIP et, avec la députation du groupe PLR au parlement, nous allons faire un pas de plus.
En effet, l’art. 10 du «Règlement de l’enseignement primaire» précise la charge du directeur. Sur les plans administratif et pédagogique, il doit mettre en œuvre les conditions d’une formation des élèves efficace et équitable. Il est notamment responsable du bon fonctionnement de l’établissement dans le domaine de l’enseignement; du suivi collégial des élèves par les enseignants; de la gestion des relations, de la collaboration et de la communication internes et externes à l’établissement scolaire.
La ligne est claire: elle demande la présence dudit directeur parce qu’il s’agit de créer la confiance. On ne peut se contenter d’une intermittence. De deux choses l’une: ou bien cette charge est peu chronophage, elle peut être expédiée en quelques heures et les directeurs sont inutiles, ou bien ce travail est sérieux et habiter au diable Vauvert est un obstacle rédhibitoire pour l’effectuer.
J’ai enseigné la philosophie durant trente-sept années, et tous les directeurs que j’ai connus laissaient ouverte la porte de leur bureau. Chacun, professeurs et étudiants, les voyait travailler et surtout lorsqu’on s’approchait, ils se levaient et nous accueillaient avec un sourire, la main tendue. Homme ou femme, ils étaient là. Être-là est autre chose qu’être-avec. «Être-là» dans ce qu’on entreprend est une qualité qui permet de sortir du banal, d’amplifier la simple présence, de lui donner un sens et surtout celui de l’accueil. Merci, chers directeurs, d’avoir été là. Qu’on est loin de «la délivrance de prestation» managériale! Notre DIP aujourd’hui n’a aucune idée de ce qu’est une relation humaine, et par conséquent, aucune idée de ce qu’est un petit d’homme. Du vent!
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L’invité – La prestation peut-elle être délivrée à distance?