La nouvelle guerre froide ravive l'intérêt des espions pour Genève
La présence d'organisations internationales, ainsi que la tenue de grandes conférences et de rencontres plus discrètes sont des atouts prisés des services de renseignements.

L'empoisonnement d'un ancien espion russe, en Grande-Bretagne, a sonné une nouvelle ère de glaciation dans les relations entre la Russie et les Occidentaux. Dernièrement, le coup de froid s'est propagé jusqu'à Genève. Le Royaume-Uni y a porté l'affaire devant la Conférence du désarmement, hébergée au Palais des Nations, dans l'ancienne salle des assemblées de la Société des Nations (SDN). Un endroit rempli d'Histoire, où se sont joués des épisodes clés de la guerre froide. La présence d'immenses fresques, qui datent de la création de la SDN, ajoute au sentiment que tout ce qui se passe en ce moment renvoie au passé.
L'endroit où l'on s'épie
Dans les couloirs de l'ONU, l'ambiance est lourde. «Il y a une tension inhabituelle dans l'air», confirme un diplomate européen. Avec la nouvelle guerre froide ressurgit la peur d'être espionné ou surveillé. Au Palais des Nations, les salons où se tiennent les réunions les plus sensibles font l'objet d'une attention particulière. Un «nettoyage» est opéré pour détecter d'éventuels matériels d'écoute. Ces mesures ont été mises en place lorsque ont démarré les négociations sur le nucléaire iranien. Genève est l'endroit où l'on s'épie. En 2015, l'entreprise de sécurité informatique Kaspersky a découvert que les caméras de l'un des hôtels qui accueillait à Genève les pourparlers iraniens avaient été piratées.
L'âme damnée des diplomates et des services de sécurité ce sont les IMSI-catchers. Glissés dans un attaché-case, ils peuvent imiter le signal d'un relais téléphonique et capter toutes conversations dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. L'accès à ces appareils n'a cessé de s'élargir avec la mise sur le marché de modèles fabriqués en Roumanie ou de systèmes «bidouillés» a des prix de plus en plus bas.
Il y a quelques jours, en présentant son rapport de gestion 2017, le Conseil fédéral a reconnu que l'espionnage étranger, au moyen de technologies d'informations et de communication, avait pris de l'ampleur en Suisse et qu'il ciblait, en particulier, des organisations étrangères établies dans le pays. «Jusqu'à un tiers des effectifs de certaines missions diplomatiques est composé d'agents de renseignement», confie un ancien officier de renseignement reconverti dans le privé. Pour Alain Juillet, ancien directeur du renseignement extérieur français (DGSE), l'intérêt pour ce qui se passe au Palais des Nations et autour n'a rien d'étonnant. «Les grandes puissances essaient toujours de récupérer un maximum d'informations sur les autres à travers des moyens techniques et humains. Ce ne sont pas seulement les Russes et les Américains qui font cela. Les Anglais, les Chinois, et sans doute les Français, essaient d'avoir des informations sur ce qui se passe ailleurs. Cela a toujours existé. Et Genève, au même titre que New York, Vienne ou Bruxelles, est un endroit intéressant. C'est un centre diplomatique et économique, où se tiennent de grandes conférences, mais aussi des rencontres plus discrètes.»
Genève a toujours été un nid d'espions. Après l'effondrement de l'Union soviétique, leur profil a changé et l'intérêt des États s'est focalisé sur les enjeux économiques. En ligne de mire: les négociations et arbitrages au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) entre Airbus et Boeing, par exemple, ou les secrets technologiques qui entourent les dépôts de brevets gérés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Des entreprises de renseignement privé, dirigées par d'ancien du MI6 ou de la CIA, sont aussi entrées dans la danse. Mais un retour à la guerre froide, Alain Juillet n'y croit pas. Lui préfère parler de «péripétie». «L'affaire Skripal reste entourée de zones d'ombre. Elle a donné lieu à une gesticulation diplomatique avec des expulsions de diplomates de part et d'autre mais tout cela va retomber», assure-t-il.
Si le contexte de tensions internationales ravive l'intérêt pour les questions d'espionnage et de renseignement, il pourrait aussi contribuer à remettre Genève au centre du jeu diplomatique. Donald Trump et Vladimir Poutine ont convenu de la nécessité d'organiser une rencontre au plus haut niveau pour passer en revue les sujets de fâcherie. Y a-t-il une chance pour qu'ils se rencontrent à Genève comme l'avaient fait Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, en 1985? «C'est une possibilité. Tout cela dépendra de la place donnée à l'ONU», répond l'ancien ambassadeur suisse François Nordmann. Même si cette rencontre n'a pas lieu, Genève est à nouveau portée par le vent de l'Histoire. La nomination récente de Guennadi Gatilov, poids lourd de la diplomatie russe, au poste d'ambassadeur auprès de l'ONU montre l'importance que Moscou attache à ce qui s'y passe, ou pourrait s'y passer.
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