«La négociation des ces traités de libre-échange reste totalement opaque»
La Wallonie est devenue le petit caillou dans les rouages des grands traités. Pour son chef de l'exécutif, Paul Magnette, le combat n'est pas achevé

L'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada - en anglais CETA - a été approuvé il y a dix jours par le Parlement européen. L'opposition farouche de la Wallonie et de son ministre-président socialiste Paul Magnette en avait bloqué l'adoption pendant plusieurs semaines l'automne dernier.
Présent à Genève en fin de semaine, à l'occasion d'un débat public organisé à l'Université par le Global Studies Institute, Paul Magnette explique pourquoi la façon dont ces traités cruciaux sont négociés apparaît comme un déni de démocratie en Europe.
- L'adoption du CETA par les parlementaires européens signifie-t-il que les exigences posées par la Wallonie ont finalement été satisfaites?
- Oui, nous avons obtenu une série d'amendements à ce texte: refus d'importer des OGM ou protection des secteurs sinistrés de la concurrence des importations par exemple. De même si un Etat vient à renforcer sa législation sociale, il ne pourra être condamné à indemniser à une multinationale qui l'attaque – comme cela a failli être le cas pour l'Australie avec Philip Morris. La signature du traité CETA implique sa mise en œuvre provisoire. Mais ce n'est en rien la fin du processus. D'une part, cet accord devra être ratifié par chacun des parlements nationaux. D'autre part, son chapitre sur la protection des investissements - sa partie la plus complexe - a été exclu de ce traité provisoire. Et doit donc être encore discuté.
- Cette partie en suspens intègre l'un des principaux objets de votre opposition - l'appel à des tribunaux privés pour régler les contentieux commerciaux. Tout reste donc à faire?
- Non car nos conditions ont été reprises par une déclaration conjointe des pays membres de l'Union européenne: ces arbitrages, rendus par des avocats privés, devront être remplacés par de vraies juridictions publiques.
- Dans votre «déclaration de Namur» vous soulignez que la façon dont l'Europe a négocié ce traité est anti-démocratique. Mais n'est-ce pas cette même critique qui nourrit la montée des nationalismes en France ou aux Pays-Bas?
- Nous maintenons que ces négociations se font dans l'opacité la plus totale, ce qui permet aux multinationales d'y avoir infiniment plus d'influence. Cependant, cette critique du fonctionnement de l'Europe ne signifie en rien que nous sommes anti-Européens; bien au contraire. Cette déclaration vise précisément à susciter le débat, à ne pas accepter toutes les politiques européennes. A ne pas accepter la façon dont les institutions ont imposé leurs certitudes dans ce processus. Une telle attitude, nocive, ne peut que renforcer le ressentiment à leur encontre.
. Mais existe-t-il réellement une méthode alternative pour négocier des traités aussi complexes?
- Oui il y a d'autres procédures, inspirées, par exemple de celles mises en place pour négocier les accords internationaux sur le climat durant les conférences dites de la COP 21 et de la COP 22. Ces accords sont discutés de manières transparente, impliquant ONG et représentants de la société civile.
Mais de tels événements ne sont-ils pas avant tout une vaste opération de communication ?
Nous il s'agit d'un véritable effort pour impliquer la société civile. Et qui tranche radicalement avec l'attitude d'une Union Européenne qui répète que, non, nous n'avons rien compris.
- Au fait, pourquoi la Wallonie s'illustre-t-elle ainsi dans ce combat?
Nous n'avons fait que cristalliser la vague d'opposition qui montait dans toute l'Europe à l'encontre de ces traités - qu'il s'agisse du TTIP ou du CETA. Pourquoi? Parce que le parlement wallon a fait sérieusement son travail, contrairement à de nombreux autres dans lesquels il n'y a eu que très peu de débats sur ces traités. Nos parlementaires ont organisé des centaines d'heures d'auditions sur le sujet. Nous avons ensuite été en position de demander au gouvernement fédéral belge de renégocier le CETA et notre mobilisation a fait tâche d'huile. Un exemple? Alors que le gouvernement Hollande en France avait accepté le traité, au Parlement européen tous les élus socialistes français ont voté contre.
- Cette opposition de la Wallonie à un traité de libre-échange suscite une certaine incompréhension de pays du Sud qui ont profité de la mondialisation ces vingt-cinq dernières années?
- Contrairement aux critiques caricaturales que nous opposent les milieux d'affaires et leurs lobbies nous ne luttons pas contre la mondialisation. Il serait absurde, surtout de la part d'un petit pays comme la Belgique, de rejeter une ouverture au commerce qui est, pour l'économie, une réalité similaire à l'oxygène que nous respirons. Ce qui ne nous empêche pas de nous battre pour un air propre, non pollué. Le commerce reste un moyen, qui doit être encadré. Non une fin.
- Votre venue à Genève a-t-elle été l'occasion pour vous de rencontrer l'Organisation mondiale du Commerce?
- Nous avons en effet rencontré son directeur général, M. Azevêdo, pour lui expliquer notre position. En réalité, nous préférerions de loin revenir au cadre de négociations multilatérales défendu par l'OMC, impliquant toutes les nations. Car seuls de tels forums sont à même d'imposer des normes aux Etats les plus puissants. Des normes qui sont balayées lorsque des accords sont négociés d'Etat à Etat.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.