Malgré leur incontestable succès de curiosité et leur appartenance au monde attirant des nouveautés technologiques, les cryptomonnaies sont comme les ailes d’Icare: elles fondent au fur et à mesure qu’elles se rapprochent non du soleil, mais des limites assignées par leur architecture même à leur possible usage dans le monde financier.
On a beau en faire un outil de marketing pour attirer le chaland, et suggérer par exemple de payer en bitcoins son billet de train ou son brumisateur acheté sur Galaxus. Il n’en demeure pas moins que sauf à refuser par principe tout ce qui ressemble de près ou de loin à une forme d’intermédiation bancaire, le dénouement de n’importe quelle transaction par le recours à de la bonne vieille monnaie, qu’elle soit fiduciaire ou scripturale, est la manière la plus simple, la plus rapide et même la moins coûteuse de payer.
On se souvient qu’à force de voir tanguer le cours des cryptomonnaies (raison pour laquelle, d’ailleurs, les spécialistes préfèrent parler de cryptoactifs), d’inventives start-up financières ont imaginé des stable coins dont le cours est indexé sur une devise de référence, le dollar par exemple pour Tether. Le piquant de l’histoire est que le maintien de cette stabilité est assuré par une réserve équivalente de dollars ou d’avoirs bancaires. Chassez le naturel, il revient au galop…
«Les cryptomonnaies tendent à se multiplier. On en compterait près de 20’000 aujourd’hui.»
Il y a une raison plus fondamentale pour laquelle les cryptomonnaies ne pourront jamais, s’agissant de la fonction monétaire elle-même, se substituer au système monétaire classique. Reposant en effet sur un mode de validation des transactions qui s’opère par le truchement de registres distribués, leur utilisation conduit à un engorgement progressif des circuits de transmission, et donc à une lenteur et une lourdeur qui finit par se payer cher en coûts de fonctionnement et en dépenses d’énergie. C’est très précisément pour cela qu’au lieu que chacune réunisse un nombre croissant d’utilisateurs, les cryptomonnaies tendent à se multiplier. On en compterait près de 20’000 aujourd’hui.
Cette effervescence ne pouvait évidemment laisser indifférentes les banques centrales, qui se sont mises à étudier la chose de près. Avec au bout du compte la perspective d’étendre, d’une part, la surveillance bancaire à ces formes vacillantes – et donc dangereuses pour la stabilité du système financier dans son ensemble – de monnaies potentiellement concurrentes. Et de préparer, d’autre part, l’avènement de monnaies numériques de banques centrales, c’est-à-dire de monnaies non pas cryptiques, mais émancipées elles aussi de l’intermédiation bancaire pour dépendre directement de l’émetteur, en l’occurrence la banque centrale.
Il est question d’alimenter dans une première étape le «marché de gros», celui des banques elles-mêmes. Mais viendra assez rapidement, sans doute, l’émission de monnaies numériques «de détail», celles dont nous pourrons tous profiter, avec cette fois-ci des avantages considérables en termes de coût, de simplicité et de rapidité. Alors, faites vite!
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Chronique économique – La monnaie, demain, sera numérique