La folle histoire des frais au forfait des policiers
Les policiers, qui peuvent toucher jusqu'à 1000 francs par mois de débours, devront bientôt se mettre aux notes de frais.

Un billet de mille qui tombe automatiquement chaque mois dans la poche de certains. Zéro franc pour d'autres. Le système des frais avancés par forfait à la police, en fonction des services, a fait long feu. Il serait trop avantageux. Le Conseil d'Etat met les policiers au même niveau que les autres fonctionnaires, ou presque.
Bien dotés, les agents du groupe prostitution de la Brigade des mœurs touchent actuellement chacun 45 fr. 50 par jour travaillé, soit environ 1000 francs par mois. Cette somme, basée sur la cherté des établissements contrôlés, est censée éviter la corruption. Les contrôles n'ayant pas lieu tous les jours, ce montant paraît un tantinet exagéré, de l'aveu même des hommes du rang.
Dans certains cas, l'avance sur les dépenses est si avantageuse qu'elle s'apparente à une partie du salaire. De quoi freiner la mobilité des agents entre les services. Quant au calcul du forfait, il est digne de celui d'un ingénieur de l'EPFL.
Des notes de frais gonflées
Revirement total dès le 1er avril. Les agents devront payer de leur poche repas, sandwiches et autres cafés, puis présenter une facture pour se faire rembourser, pour autant que la dépense se justifie. Seules quatre brigades, dont celle des stupéfiants, conserveront le forfait en raison de contraintes opérationnelles. Une somme gérée au sein des brigades et des postes permettra aussi d'offrir un café aux victimes, lésés ou détenus.
Un épisode de plus dans la saga des débours de la police. Historiquement, la Brigade des mœurs et quelques gendarmes travaillant de nuit en ont été les premiers bénéficiaires. Les services s'étoffant avec le temps, le dispositif s'est élargi. Pour mieux maîtriser le système, les notes de frais se sont imposées dans les années 90, mais leur gestion administrative, confiée à deux ou trois collaborateurs, semblait trop lourde, d'autant plus qu'un contrôle serré s'avérait nécessaire. «On s'est aperçu qu'il y avait parfois de l'exagération, comme des notes de frais gonflées», explique François Waridel, chef d'état-major de la police.
Pour y remédier, les longues négociations menées en 2009 entre le Conseil d'Etat et les syndicats avaient abouti à l'instauration des fameux débours forfaitaires.
Alors pourquoi revenir aujourd'hui aux classiques notes de frais? «Il n'y a pas de système parfait, mais c'est plus équitable», estime François Waridel, chargé du dossier. D'ailleurs, les assistants de sécurité publique dotés de pouvoir d'autorité avec port d'armes en bénéficient désormais. «En plus, cela favorisera la mobilité. Et la police s'alignera ainsi sur le reste de la fonction publique.» Pour éviter les abus, chaque chef de service devra valider les reçus présentés. En se basant sur les frais réels, l'économie espérée s'élèvera à 2 millions de francs par an – sur quelque 4,7 millions de débours –, réinvestis dans la police.
Bricolage à tous les étages
La Cour des comptes prônait depuis 2010 cette solution. Alors pourquoi ne pas avoir agi plus tôt? «Nous n'avions pas la base légale pour changer les choses. Il a fallu attendre l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la police en 2016», explique Pierre Maudet, conseiller d'Etat chargé de la Sécurité.
Ce sujet à crispation serait sans doute resté au fond du tiroir si le syndicat de la police de sécurité internationale (PSI) n'avait pas agacé le Conseil d'Etat en réclamant un débours unique pour tous ses agents, dans le but de faciliter la mobilité entre les services. Ils ont de cette façon rouvert la boîte de Pandore. «Aujourd'hui, c'est du bricolage à tous les étages, remarque Pierre Maudet. On ne supprime pas le principe des débours, mais je voulais que l'assiette soit revue, que le système soit plus équitable et arriver à une simplification de traitement.»
L'Union du personnel du corps de police ne voit pas l'intérêt du changement. «Avec l'ancien système, un contrôle annuel était possible pour réaliser des ajustements. Mais notre employeur n'a jamais jugé utile de revoir à la baisse certains débours», note son président, Marc Baudat. Pas sûr selon lui que les notes de frais permettent de réduire les dépenses et simplifier le système. «Le rapport Annoni de 2009 sur les rémunérations à la police préconisait justement les débours forfaitaires! Le précédent gouvernement s'en était donc inspiré. Ce revirement correspond à une rupture des accords passés.» Et donc à une attaque frontale contre le personnel policier.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.