La direction du Collège avait été alertée
Alors qu'il enseignait à Genève, l'attitude de Tariq Ramadan avait été dénoncée. Mes Bonnant et Hayat assurent sa défense.

De nouveaux témoignages révèlent que l'encadrement scolaire avait eu connaissance d'un comportement inapproprié de Tariq Ramadan envers des élèves, lorsqu'il enseignait au Collège de Saussure au début des années 90. À Genève, sa ville natale et son fief familial, Tariq Ramadan organise désormais sa défense avec Me Marc Bonnant et Me Yaël Hayat.
Depuis que l'affaire Weinstein aux États-Unis a libéré la parole de nombreuses femmes agressées sexuellement, deux Françaises ont porté plainte pour viol contre Tariq Ramadan. Par la suite, quatre Suissesses ont confié dans nos colonnes (notre édition du 5 novembre) que Tariq Ramadan avait abusé de sa position de professeur pour les séduire et les amener à entretenir avec lui des relations sexuelles. Elles décrivent toutes un homme d'une grande intelligence, fascinant, manipulateur, intimidant, ayant une forte emprise psychologique sur elles.
«J'avais tout raconté»
Alors que ses agissements alimentaient la rumeur, au début des années 90, une information très précise a été communiquée à la direction du Collège de Saussure, a appris la Tribune de Genève. «À l'époque, j'ai compris que deux élèves de Tariq Ramadan avaient eu des relations sexuelles avec lui. Elles étaient complètement sous son emprise et en souffraient. J'en avais directement parlé avec l'intéressé, qui avait nié et s'était montré menaçant verbalement avec moi. C'était grave! J'avais donc décidé de tout raconter à une doyenne, dans les détails», témoigne un ancien élève. Si ce Genevois s'exprime aujourd'hui, c'est pour que tout sorte enfin. «Tariq Ramadan avait fait quelque chose d'interdit, en contradiction totale avec son éthique professionnelle et sa morale. Peu importe sa religion et ce qu'il est devenu, il a commis une faute.»
Les faits sont bel et bien remontés jusqu'au directeur du Collège de Saussure de l'époque. Celui-ci, âgé actuellement de 75 ans, confirme: «J'ai le souvenir que quelqu'un s'était adressé à une doyenne pour lui parler d'une jeune fille majeure, âgée de 18 ans, qui avait eu, selon lui, des relations sexuelles avec ce professeur. Mais elle n'avait pas dénoncé les faits. Nous n'avions donc pas ouvert de procédure.» Pourquoi cette jeune fille n'a-t-elle pas été entendue par la direction, dans la foulée, pour éclaircir les faits? Le retraité ne s'en souvient plus, mais il indique que «lorsqu'une dénonciation était faite par une victime ou ses parents, la direction agissait». Il confie avoir surtout veillé à ce que Tariq Ramadan, nommé doyen par son prédécesseur, ne mélange pas la religion à son enseignement. En tous les cas, cette histoire n'a jamais été portée à la connaissance du Département de l'instruction publique.
Normal? Dominique Föllmi, ancien conseiller d'État chargé de l'Instruction publique entre 1989 et 1993, n'a pas pu être joint ce soir. Informée par nos soins de ces nouveaux éléments, l'ancienne conseillère d'État Martine Brunschwig Graf, en poste entre 1993 et 2003, réagit fermement: «Normalement, la victime aurait dû être contactée et entendue par la direction mise au courant, même à cette époque. Et le département aurait bien sûr dû être informé.»
Face à tant de témoignages, elle «regrette de constater qu'autant de personnes se déclarent aujourd'hui avoir été au courant sans juger bon d'en informer l'autorité».
«Propos calomnieux»
Suite aux révélations samedi de la Tribune de Genève, Tariq Ramadan a annoncé lundi sur Twitter qu'il allait réagir sur le plan judiciaire. Pour sa «défense générale en Suisse», il a choisi deux ténors du barreau: Yaël Hayat et Marc Bonnant. Ce dernier annonce: «Une plainte contre X pour diffamation sera déposée dans les jours qui viennent. Cela fera partie des actes de défense.» Cette procédure vise «dans un premier temps à débusquer les quatre accusatrices aux propos calomnieux et diffamatoires et dans un deuxième temps à déterminer si elles ont été instrumentalisées, si elles servent une cause, comment elles sont devenues des victimes vingt-cinq ans après les faits supposés et ce qu'elles recherchent aujourd'hui».
Réagissant aux derniers rebondissements, il tempère: «Je peux comprendre le silence des vraies victimes. Un débat existe sur ce qui libère leur parole. En revanche, le silence de ceux qui savent, sans vivre un traumatisme, et qui se taisent, me paraît infiniment criticable et suspect. Ils ont donc tu ce qu'ils ne savaient pas.»
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.