Littérature oraleLa cour des contes au diapason de son époque
L’art du récit a su se renouveler. La preuve à Plan-les-Ouates avec un festival foisonnant qui, pour sa 25e édition, met en avant une nouvelle génération.

Le récit, c’est tout un art. Plan-les-Ouates l’affirme haut et fort depuis un quart de siècle. Dans le paysage francophone de la littérature orale, sa Cour des contes passe à juste titre pour une référence. Chaque printemps, la commune genevoise accueille une ribambelle de magiciens du verbe, habiles à réenchanter le quotidien. Au fil des ans, ce rendez-vous autour de la parole a su se renouveler, loin des stéréotypes. La preuve dès ce jeudi 4 mai avec une 25e édition qui met en avant la nouvelle génération de conteurs et conteuses. État des lieux avec Pascal Mabut, un des organisateurs de la manifestation.
«Quand on parle de conte, on imagine volontiers des sujets très anciens. Or le conte, c’est aussi l’actualité.»
«Le festival a pris de l’ampleur», note ce programmateur passionné qui a bourlingué tous azimuts de Grenoble à Avignon, en passant par Brest, Neuchâtel ou Fribourg, pour sélectionner les artistes à l’affiche. «Initialement, La cour des contes se déroulait à Arare sous un chapiteau durant trois ou quatre jours, et proposait une dizaine de spectacles. Aujourd’hui, nous en offrons plus d’une trentaine, répartis sur onze jours, dans des petites salles bien équipées.»

Les spectateurs ont suivi le mouvement: 300 à 400 à l’origine, près de 5000 désormais. Leur profil? «De l’étudiant au retraité, en passant par des parents avec leurs enfants. Autant de femmes que d’hommes», note Pascal Mabut. Généraliste depuis sa première édition, La cour des contes entend toucher un public protéiforme. «Il y a beaucoup de familles à Plan-les-Ouates. C’est notre rôle de leur proposer une offre culturelle qui puisse les intéresser. Mais les contes s’adressent vraiment à tout le monde. Il y en a pour les tout-petits, dès 1 ou 2 ans. À l’autre extrémité, on trouve des récits destinés aux adolescents et aux adultes. Le panel est assez vaste.»
Une chaise ne suffit plus
En vingt-cinq ans, le décorum a évolué. «Autrefois, une chaise plantée au milieu d’une pièce suffisait au conteur. Aujourd’hui, beaucoup ont l’habitude de la scène et utilisent les outils du théâtre pour leurs spectacles, qui nécessitent beaucoup de préparation technique. Les éclairages, les sons et la mise en scène sont nettement plus élaborés.»

Entre mythes revisités et odyssées contemporaines, l’art de la parole s’est mis au diapason de son époque. «Quand on parle de conte, on imagine volontiers des sujets très anciens. Or le conte, c’est aussi l’actualité. Les histoires d’aujourd’hui abordent volontiers les problématiques de société.» À l’image du spectacle présenté par Alberto Garcia Sanchez: dans «Elle et mon genre», le comédien d’origine catalane résidant en Belgique tourne autour de la féminité et du genre, comme son titre le suggère.

Avec «Marcel Nu», Jeanne Videau et Frédéric Naud abordent pour leur part la question du handicap à travers le récit d’un personnage véridique, Marcel Nuss, entièrement paralysé à l’exception des yeux, de la bouche, de deux doigts et du sexe. «Naud est venu en résidence à Plan-les-Ouates durant le Covid. Il a interrogé beaucoup d’associations qui forment des assistants sexuels pour les personnes en situation de handicap, ou non autonomes.»
Monstre sanguinaire
À travers «Barbe Blues», Élodie Mora pointe le féminicide. Il est question de monstre sanguinaire, de serial killer. Conteuse émergente dont Pascal Mabut loue «l’intensité dans le travail», la jeune Française possède la particularité de s’adresser autant aux ados-adultes qu’aux enfants. À La cour des contes, elle livre également une version très personnelle de «Moby Dick», tout en revisitant «Le Petit Poucet».

Ariane Pawin fait aussi partie de cette nouvelle génération décidée à renouveler le conte. Inspiré de «L’homme qui rit» de Victor Hugo, «Une nuit à travers la neige» entraîne son monde dans un voyage immersif à travers le froid, la peur et l’épuisement. La conteuse et comédienne française figure en tête d’affiche. Pascal Mabut s’en réjouit: «Il y a quatre ans, elle a participé à un concours que nous mettons sur pied conjointement avec le festival de Neuchâtel. Une sorte de tremplin pour les jeunes conteurs. Elle a été sélectionnée avec deux autres personnes. Par la suite, elle a taillé son chemin.» Qui passe par Plan-les-Ouates le 12 mai. On s’en voudrait de la rater.
Festival La cour des contes, du 4 au 14 mai. Principalement à La Julienne (rte de St-Julien 116), mais aussi dans divers lieux à Plan-les-Ouates, Genève et Carouge. Rens: «lacourdescontes.ch»
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.