Communauté politique européenneLa Suisse à la table de l’Europe entière à Prague
Quarante-quatre dirigeants du Vieux Continent se sont réunis dans la capitale tchèque afin de commencer l’élaboration d’une stratégie pour l’énergie et la sécurité.

C’est parti pour la «Communauté politique européenne»: 44 dirigeants du continent se sont réunis jeudi à Prague, dans un format inédit beaucoup plus large que l’Union européenne (UE), en présence du président de la Confédération Ignazio Cassis.
La sécurité et l’énergie figuraient notamment à l’ordre du jour de ce raout lancé à l’initiative d’Emmanuel Macron. «C’est d’abord un message d’unité de notre Europe», s’est félicité le président français.

Les participants ont été répartis dans des groupes de discussion. Ignazio Cassis a pris part à celui consacré à l’économie, à l’énergie et au climat, qu’il coanimait de concert avec le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis. Y figuraient aussi, notamment, l’Allemagne, la Belgique, l’Ukraine ou encore la Norvège.
Un autre groupe s’est penché sur les questions de sécurité et de stabilité. Un dîner en commun en soirée devait conclure ce premier sommet de la «CPE». Aucune déclaration finale signée par tous les participants n’est prévue.
En plus des 27 membres de l’UE, pas moins de 17 pays européens non-membres ont été invités, dont les quatre de l’AELE (Suisse, Norvège, Liechtenstein, Islande) ainsi que la Grande-Bretagne, les pays de l’ouest des Balkans, la Moldavie, l’Ukraine, la Turquie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Entretiens bilatéraux aussi pour la Suisse
La rencontre doit servir de plateforme pour promouvoir le dialogue politique et la coopération en Europe, surtout aussi au vu des conséquences de la guerre en Ukraine.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a salué cette «grande innovation», qu’il a qualifiée de bonne «pour la paix», «la sécurité» et «le développement économique».
«Le continent européen entier est réuni ici à l’exception de deux pays: la Russie et le Bélarus. Cela montre à quel point ces deux pays sont isolés», a martelé le premier ministre belge Alexander De Croo à son arrivée sur le tapis rouge.

La Suisse a répondu à l’invitation alors qu’elle se situe dans une forme d’«entre-deux», après la rupture par Berne au printemps 2021 des négociations sur l’accord-cadre institutionnel avec l’UE. Le président de la Confédération entendait profiter du sommet pour mener des entretiens bilatéraux.
Avec ses homologues, il devait aborder la question des relations entre la Suisse et l’UE, même si celles n’étaient pas au premier plan de la rencontre.
La «photo de famille», prise dans l’imposant château de Prague qui domine la vieille ville, visait à marquer les esprits et afficher la solidarité au moment où l’Europe redoute, à l’approche de l’hiver, une crise énergétique sans précédent en raison de la guerre en Ukraine.

Au programme de ce premier sommet: des groupes de travail, un dîner, mais pas de déclaration finale signée par tous les participants.
De nombreuses interrogations
Cette nouvelle structure suscite encore de nombreuses interrogations sur ses contours, son rôle et surtout sa pérennité. Derrière ce nouvel acronyme, on trouve des tensions latentes et des pays aux trajectoires radicalement différentes vis-à-vis de l’UE: Norvège, Ukraine, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Moldavie, Serbie, Azerbaïdjan…
Quel dénominateur commun entre des candidats déclarés (et impatients) à l’adhésion, des pays qui savent que la porte leur est fermée pour longtemps et le Royaume-Uni, qui a choisi il y a six ans de quitter l’UE avec fracas? La CPE s’inscrira-t-elle dans la durée ou rejoindra-t-elle la longue liste des projets sans lendemain sur le continent, à l’image de la Confédération européenne proposée en 1989 par François Mitterrand?
Ne risque-t-elle pas, enfin, de devenir une antichambre dans laquelle les candidats à l’adhésion seront contraints de patienter éternellement? Pour la France, il s’agit d’un «complément» et non d’une «alternative» au processus d’adhésion à l’UE.
«Intimité stratégique»
Mettant en avant la nécessité de bâtir une «stratégie commune» et de garder en tête la «solidarité européenne», Emmanuel Macron a évoqué, dans une formule iconoclaste, sa volonté de bâtir une «intimité stratégique» entre les pays présents, qu’ils soient membres ou non de l’Union européenne.
En marge du sommet, Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, s’est félicité que 44 dirigeants se rassemblent «pour voir comment construire une nouvelle structure de sécurité en Europe». «Cela doit se faire sans la Russie, non pas parce que nous ne voulons pas que la Russie fasse partie de l’Europe, mais parce que la Russie de Poutine s’est mise elle-même en dehors de la communauté européenne».
Six ans après le Brexit, les moindres faits et gestes de la nouvelle première ministre britannique Liz Truss, qui n’a dit mot à son arrivée au château de Prague, ont été scrutés avec attention. Lors d’une rencontre bilatérale avec le premier ministre tchèque Petr Fiala, les deux dirigeants ont souligné l’importance de présenter un «front européen uni» face à la «brutalité de Poutine».

À un moment extrêmement difficile dans son propre pays, la réunion de Prague peut permettre à Liz Truss de trouver «une posture internationale, une forme d’influence sur le continent», explique à l’AFP Elvire Fabry, de l’Institut Jacques Delors. «Liz Truss y voit aussi un intérêt à court terme», ajoute-t-elle. «La situation énergétique au Royaume-Uni est telle qu’elle a besoin de cet espace de dialogue».
Les organisateurs du sommet espèrent à ce sujet l’annonce de possibles projets de coopération concrets, en particulier sur l’énergie. Pour la suite, la France espère une réunion au printemps 2023 avec une alternance entre pays membres de l’UE et pays non-membres. La Moldavie est sur les rangs pour accueillir le prochain rendez-vous.
ATS
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