
Demain, que fera-t-on face à la Chine? Cette question commence à nous hanter. Le pays est déjà dans le viseur de l’Occident, après la mise à l’écart de la Russie, nouvelle paria de l’économie mondiale.
Janet Yellen, la cheffe du Trésor américain, a été claire: «L’attitude du monde envers la Chine et sa volonté d’embrasser une intégration économique plus poussée pourraient bien être affectées par la réaction de la Chine à notre appel à une action résolue contre la Russie», a averti la ministre de l’Économie et des Finances de Joe Biden, dans un discours à l’Atlantic Council, un groupe de réflexion américain. Et de fustiger les entreprises qui hésitent à rompre avec Moscou.
De fait, les États-Unis préparent un découplage avec l’économie chinoise. Ce qui revient à élever des «barrières technologiques, juridiques et financières de plus en plus étanches», pour reprendre l’expression de Stefan Kooths, professeur à l’IfW de Kiel. Le monde se referme et se barricade dans une logique de blocs antagonistes.
Cette réalité exacerbe la guerre non avouée mais bien réelle pour les ressources naturelles, les minerais stratégiques et les technologies sensibles. Alors que l’Europe a quasi perdu pied en Afrique, la Chine, elle, multiplie les prises de participation dans les mines de cuivre, de cobalt, nickel, etc. , dans ces pays que l’on qualifie déjà d’electrostates par analogie avec les petrostates, les monarchies pétrolières du XXe siècle.
La Chine maîtrise déjà toute la chaîne de production des technologies vertes et s’affirme dans l’IA (intelligence artificielle). L’empire rouge est bien préparé pour le XXIe siècle. Ses vraies failles: son régime politique qui gouverne par la terreur et l’intimidation et sa démographie vieillissante.
«Le Vieux-Continent comprend qu’il doit se repositionner en Afrique et en Amérique du Sud pour concurrencer la Chine et l’empêcher de devenir hégémonique.»
Dans le nouveau monde bipolaire qui se reforme, l’Europe s’est jusqu’ici positionnée comme un centre industriel qui excelle dans la recherche et le développement des produits haut de gamme. Mais il lui manque la maîtrise des matières premières et des minerais qui permettent aux États-Unis d’envisager un vrai bras de fer avec la Chine après avoir dit «stop» à la Russie.
Le Vieux-Continent comprend qu’il doit se repositionner en Afrique et en Amérique du Sud pour concurrencer la Chine et l’empêcher de devenir hégémonique. Les plans stratégiques de l’UE dans les batteries et semi-conducteurs constituent les premiers éléments de réponse aux risques nouveaux que fait peser le découplage sino-américain.
À terme, il est probable que l’Europe devra renforcer son alliance avec les États-Unis; le refus récent de l’UE de discuter d’un accord d’intégration plus fort entre Pékin et Bruxelles est une première indication que le Vieux-Continent se méfie des promesses du président chinois Xi Jinping.
Beaucoup doutent que l’Occident soit en mesure de gagner son double bras de fer contre la Chine et la Russie. Les vieilles démocraties seraient entrées dans une forme de déclin civilisationnel irrémédiable dont le souverainisme ne ferait qu’exprimer une forme de désarroi politique.
Mais, à y regarder de plus près, c’est probablement une erreur de jugement. L’Occident possède toujours huit des dix plus grandes économies du monde. Sa prospérité n’est en rien entamée, en dépit d’un fort endettement. Et surtout, la transition écologique sera plus douce pour les économies très avancées.
À l’inverse, la Chine, en dépit de sa formidable ascension économique, demeure fragile. Très endettée, sa richesse dépend encore pour l’essentiel des échanges commerciaux et financiers avec l’Occident. Elle ne survivrait pas longtemps au gel de ses immenses avoirs en devises étrangères. La mise à l’écart de la Russie l’obligera à répondre à Janet Yellen.
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La chronique économique – La Chine pourra-t-elle défier l’Occident?
C’est le prochain conflit commercial majeur. Les États-Unis s’y préparent déjà. L’Europe suivra.