Au début janvier, la BNS a semé la panique chez les ministres des finances de (certains) cantons en annonçant que les Rois mages viendraient cette année les mains vides. En effet, la manne de la BNS ne sera pas distribuée pour l’exercice 2022, l’année ayant saigné à blanc les fonds propres de provisions de la banque centrale suisse, au point où elle ne pourrait plus survivre - comptablement s’entend – à une deuxième année aussi catastrophique.
Statutairement, la BNS a pour mission de contenir l’inflation et de veiller à la bonne marche de l’économie en l’approvisionnant en liquidités nécessaires. Depuis le début du siècle environ, faute de pressions inflationnistes sérieuses, et face aux pressions à la hausse sur le franc consécutives à la crise financière 2007/08, la BNS s’est focalisée notamment dès 2008 sur le soutien au secteur bancaire fragilisé et sur la résistance aux pressions à la hausse du taux de change de manière à préserver la capacité exportatrice de l’économie nationale. Pour atténuer ces pressions, la BNS n’a pas lésiné sur les moyens en achetant à tout va des dollars et des euros. Ainsi, l’épisode du cours plancher à 1,20 euro introduit en 2011 et son abandon sous pression des marchés en 2015 est encore dans toutes les mémoires.
Pendant ces années de résistance, le bilan de la BNS n’a pas cessé de gonfler en passant d’environ 100 milliards en 2008 à près de 1000 milliards en 2021. La lutte pour contenir l’envolée du franc a été une version helvétique du «quoi qu’il en coûte» macronien, avant la lettre.
En conséquence de cette politique de protection des exportateurs, la BNS a accumulé des positions en devises dont la valeur comptable en franc dépend des taux de change. Aussi longtemps que le franc évoluait de manière lente et un tant soit peu prévisible, les techniques de couverture des risques de change arrivaient à limiter l’impact sur les valeurs comptables au bilan et même à dégager un bénéfice.
Les années grasses ont duré de 2015 à 2021, la BNS distribuant des dividendes maximales admises à ses actionnaires que sont en grande majorité la Confédération et les cantons. L’euphorie de la manne tombée du ciel a même poussé les protagonistes à conclure en 2021 une nouvelle convention avec un système à paliers pour spécifier les montants de dividendes alloués (entre 2 et 6 milliards), ceci dans le souci de donner de la visibilité aux ministres des finances.
«Il est possible, qu’en cas de pression sur le franc en 2023, ses moyens limités ne lui permettent pas de livrer bataille. Au grand dam des exportateurs.»
L’année 2022 a été celle d’un décrochage de l’euro de trop. En effet, en quelques mois la monnaie européenne a perdu 6% face au franc. Mécaniquement, la BNS a vu ses fonds propres fondre de plus de 130 milliards, montant qui a été nécessaire pour compenser les pertes de change. À l’issue de cette perte, les fonds propres restants s’élèvent en novembre 2022 à environ 67 milliards, soit 6% total du bilan.
En d’autres termes, si une autre baisse de 6% de la valeur des actifs survient, l’institution se trouverait dans la situation d’insolvabilité technique. Si la BNS était une banque commerciale, la perspective d’une recapitalisation devrait être évoquée. La BNS est certes une SA, mais pas une SA comme les autres; quoi qu’il arrive elle sera sauvée, au besoin recapitalisée – en dernière analyse par le contribuable.
Ainsi, le problème n’est pas la survie de la BNS, mais sa capacité à mener une politique monétaire d’envergure dans l’intérêt du pays. Suite aux pertes de 2022, la BNS est affaiblie et contrainte à la prudence dans la résistance aux pressions sur le franc. Il est donc possible, qu’en cas de pression sur le franc en 2023, ses moyens limités ne lui permettent pas de livrer bataille. Au grand dam des exportateurs.
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Regard éco – La BNS doit garder sa capacité à mener une vraie politique monétaire