Il était une fois, même en Suisse, la banque neutrale: aucune discrimination de nature politique à l’égard de la clientèle. Pas de politique dans la banque.
Mais le parlement suisse, par petits pas, s’en est mêlé: punissabilité de la corruption de fonctionnaires des Organisations internationales et des États étrangers, avec risque de séquestre des avoirs liés à la corruption internationale. Les personnes dites «politiquement exposées (PEP)» ont été stigmatisées par la législation anti-blanchiment comme des clients à risque accru.
Il y a pire: même certains pays ont été qualifiés comme «à risque accru». En vain, les banquiers ont réclamé de la part de la Confédération une liste officielle des pays à risque accru de blanchiment.
Peu après, ce fut le tour des pays à haut risque de fraude fiscale, à cause de l’introduction, à partir du 1er janvier 2016, de la punissabilité pour blanchiment en relation avec un délit fiscal qualifié.
«La banque suisse se doit de plus en plus de gérer le risque géopolitique, ce qui est dû à la faillite de la doctrine «Wandel durch Handel», d’après laquelle on rêvait que, grâce au commerce avec les dictatures, on aurait favorisé le progrès démocratique.»
Pendant les mêmes décennies se bannissent aussi les entreprises de l’armement, notamment à cause de l’extension de la définition de «matériel de guerre» jusqu’aux produits à double usage (dual use).Le temps de la neutralité aux règles paraît révolu: personne n’avait critiqué la livraison par les chemins de fer fédéraux de 2000 baraques pour 21 millions de francs par une société suisse dont le conseiller d’administration était le colonel Henry Guisan, fils du général Guisan, destinées aux Lager nazis.
Aujourd’hui, même le «Blick» condamne la livraison du matériel digital pour les drones utilisés par l’armée russe pour écraser la population en Ukraine: le chip ORLAN 10 monté sur les drones est fabriqué à Thalwil.
La banque suisse se doit de plus en plus de gérer le risque géopolitique, ce qui est dû à la faillite de la doctrine «Wandel durch Handel», d’après laquelle on rêvait que, grâce au commerce avec les dictatures, on aurait favorisé le progrès démocratique.
Monument de cette faillite pour la Suisse: l’Accord de libre-échange avec le Parti communiste chinois, ratifié en 2013 sous le motto du «dialogue».
Pendant presque dix ans, le Parti communiste chinois est devenu le troisième partenaire économique de la Suisse. Entre-temps, le même parti politique a exporté le génocide du Tibet au Xinjiang. Un retard qui se mesure en années, mais aussi des centaines de milliers de femmes, enfants et hommes torturés, violés, massacrés.
«La destruction des villes en Ukraine par l’armée russe, avec toutes ses conséquences, démontre le danger de la dépendance économique sur le plan de l’énergie, de matières premières, etc.»
Le Département fédéral de l’économie vient de lancer l’avant-projet de loi fédérale sur l’examen des investissements étrangers. On peut lire dans son aperçu qu’«on part du principe que les principales menaces émanent d’investisseurs proches d’un État».
La destruction des villes en Ukraine par l’armée russe, avec toutes ses conséquences, démontre le danger de la dépendance économique sur le plan de l’énergie, de matières premières, etc. Or, la dépendance économique se transforme vite en dépendance politique.
Entre-temps, les banques doivent se battre pour gérer la mise en œuvre des sanctions économiques édictées par le Conseil fédéral.
Ce n’est que le début: le Conseil national vient d’approuver un système de «smart sanctions» sur le modèle des «Lois Magnitski» déjà mises en œuvre par plusieurs pays du monde.
Quelle tâche pour le Conseil fédéral: assurer la cohérence interne entre les lois fédérales prévoyant des clauses de respect des droits humains éparpillées dans la loi fédérale sur l’entraide en matière pénale, la législation sur la garantie aux exportations et celle concernant le matériel de guerre, ainsi que dans la législation concernant la coopération internationale en matière fiscale.
Une cohérence souhaitable même au niveau judiciaire fédéral, où le Tribunal fédéral vient de suspendre une demande d’assistance administrative en matière fiscale initiée par la Russie contre des ressortissants ukrainiens et des personnes domiciliées en Ukraine.
En même temps, le Tribunal administratif fédéral vient de confirmer la décision du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) de renvoyer en Russie deux requérants d’asile provenant de Tchétchénie.
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Le regard éco – La banque neutrale