Au Spoutnik ce week-endLa «Ballade triste» de Zoé Cappon, le labyrinthe fascinant du confinement
Loulou, diva sublime, personnage erratique et fragile, envahit l’espace de sa présence évidente et ductile.

Ce doit être cela, la pluridisciplinarité. Passer du spectacle de cabaret au chant, de l’art plastique à la vidéo. Récemment, Zoé Cappon avait présenté, avec Jonathan Delachaux, des marionnettes à taille humaine à l’intérieur du Musée Rath, résidence tout sauf improvisée qui était visible en mars. Aujourd’hui, la revoici, assistée de Julien Chaix, derrière la caméra vidéo de «Ballade triste». Un métrage d’un peu plus d’une heure réalisé durant le confinement du printemps 2020 et suivant les pas de Madame Loulou en quête d’artistes dans différents lieux clos désertés – théâtres, cabarets ou appartements.
Derrière chaque porte se niche un univers, une apparition et des chansons, le tout filmé en une succession de plans-séquences. Le caractère surréaliste de l’ensemble, métaphore d’un enfermement contraint forçant les artistes à se réinventer, n’est pas sans rappeler la structure d’«Alice au pays des merveilles» de Lewis Carroll, tout comme celle de certains Lynch. Comparaisons hardies, sans doute exagérées, mais qui traduisent relativement bien ce mélange d’hébétude et d’admiration qu’on se prend à avoir dans l’attente impatiente de chaque nouvelle ouverture de porte.
Fusion des genres et casting de choix
Loulou, diva sublime, personnage erratique et fragile, capte merveilleusement la lumière, envahit l’espace de sa présence évidente et ductile (qu’est-ce que les cinéastes du coin attendent pour lui confier des rôles?). Plus que fil rouge du récit, elle hante le film en traversant ces couloirs vides et désassortis, elle campe cette femme perdue dans le labyrinthe d’une conscience dont aucune issue n’existe et dont on la chasse perpétuellement – d’ailleurs dans des langues qu’elle dit ne pas comprendre.
Mais «Ballade triste», c’est aussi le contexte onirique d’une comédie musicale qui ne cesse de se réinventer. Façon cabaret, avec Kate Reidy reprenant «Blue Velvet», plus rock avec ce standard de «Hair», «I Got Life», qu’entonne Zoé Cappon dans une cuisine, deux exemples parmi d’autres. La musicalité et la variété des choix à l’œuvre dans ce film contribuent à entrouvrir l’œuvre à toutes sortes de thématiques, si possible nocturnes. Chaque artiste a d’ailleurs proposé une chanson qui l’a accompagné durant le confinement, reflet de différentes préoccupations accrues durant la crise sanitaire, de la solitude à la peur de la mort.
Côté casting, on retrouve la plupart de ceux et celles que Zoé Cappon côtoie artistiquement depuis des années. De Sophie Solo à Michel Barras (incroyable séquence de mise à nu au propre comme au figuré), de Patrizia D’Ambrosi aux différents musiciens avec lesquels Zoé joue dans ses groupes. Le film témoigne aussi de la fusion de genres, d’un brassage furieux entre concerts, cabaret et performances. Il est programmé au Cinéma Spoutnik jusqu’à dimanche soir. Le prolonger ne serait pas un luxe.
«Ballade triste» Cinéma Spoutnik, jusqu’au 2 mai à 17 h 30.
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