L'homme vit au Grand-Saconnex depuis 6500 ans
Dernier coup de truelle pour les fouilles du Pré-du-Stand. Qu'a-t-on découvert?
Les hautes herbes brillent sous l'averse qui lustre le rouge des coquelicots. L'endroit, habité depuis 6500 ans, ne manque pas de poésie. On imagine bien plusieurs menhirs dressés et des hommes de la préhistoire sacrifiant ici à quelque rituel sacré. Pourtant le Pré-du-Stand est situé aujourd'hui à un jet de pierre de l'autoroute et de l'aéroport, sur la commune du Grand-Saconnex, et le décollage d'un gros-porteur rappelle le rêveur à la réalité. La grande tente blanche posée dans le champ également: elle protège les fouilles menées par le Service cantonal d'archéologie, avec l'appui scientifique de l'Université de Genève.
Depuis juillet 2014, les pelleteuses ont quadrillé le coin. Il s'agissait au départ d'une fouille de sauvetage: avant d'aménager la jonction autoroutière du Grand-Saconnex, de percer en souterrain la route des Nations (mise en service prévue en 2022) et d'acheminer le tram jusqu'à Ferney (horizon 2024), il fallait s'assurer de ne pas saccager des vestiges essentiels. «Afin d'établir un diagnostic archéologique à la demande de l'Office fédéral des routes, nous avons procédé à 35 sondages à la pelleteuse. Au deuxième coup, scrounch! La machine s'enfonce dans la terre et, à 40 cm, on tombe sur un menhir», raconte, les yeux encore brillants d'excitation, Michelle Joguin Regelin, archéologue responsable du chantier pour le Service cantonal d'archéologie.
Menhirs sur les lieux de culte
Un deuxième mégalithe suivra. Implanté à 12 mètres du premier, il est en piètre état, fragmenté par la construction d'un drain moderne dans les années 40. 3500 m2 au total révéleront des vestiges préhistoriques: des trous de poteaux, traces possibles d'habitations; des foyers; des dépôts à vocation funéraire, contenant des restes humains; et des drains qui ont servi à assainir le terrain, la nappe phréatique n'étant qu'à 2 m de profondeur.
«Nous avons été confrontés à un chantier difficile», constate Tara Steimer, chargée d'enseignement au Laboratoire d'archéologie préhistorique et anthropologie de l'Université, qui a passé au crible le produit des fouilles. «Nous avons perdu de nombreuses informations car l'érosion a chamboulé le terrain; le sol argileux se laisse facilement lessiver par les pluies. D'autant plus qu'entre 4500 et 3000 av. J.-C., les habitants ont procédé à une déforestation des chênes sur le coteau du Grand-Saconnex. Ils avaient besoin d'espaces à cultiver et de bois pour leurs maisons. En deux campagnes, 2015 et 2016, nous avons toutefois réussi à mettre en évidence une succession de couches archéologiques matérialisant six périodes d'occupation.»
Foyers et dépôts funéraires
Les vestiges les plus spectaculaires restent évidemment les deux menhirs. «Nous avons trouvé des mégalithes ailleurs à Genève», précise l'archéologue cantonal Jean Terrier, «notamment sous le Temple de Saint-Gervais, à Corsier et sur le site de la prison Saint-Antoine. Mais ceux du Grand-Saconnex, ainsi qu'un lambeau de foyer, signalent une implantation au néolithique bien loin des rives du lac. Et ça, c'est une première!» Il devait y avoir davantage de menhirs au Pré-du-Stand car ils sont en général par groupes de 6 ou 7. «Les hommes de la préhistoire établissaient des lieux de culte sur certains sites de passage importants, ainsi qu'aux abords de zones humides et de sources. Il y a là une dimension religieuse, liée à de nouveaux modes de vie – l'agriculture et la sédentarisation – mais assurément pas de composante funéraire.»
Aucune inscription ni dessin à la surface du plus beau des menhirs, 1,30 mètre de haut, seulement des traces de taille: le bloc de gneiss (une roche contenant du quartz et du mica, déposée dans la région par les glaciers alpins) a été façonné en forme d'amande par les hommes du néolithique. «Il subsiste une incertitude quant à sa datation, souligne Tara Steimer. Nous avons un repère, 3000 av. J.-C., mais nous ignorons si le mégalithe a été dressé à cette date ou déplacé.» Comment les hommes de la préhistoire sont-ils parvenus à ériger une pierre pesant 1,2 tonne? «Sans problème, répond la scientifique. Ils possédaient tous les moyens nécessaires: on tractait le bloc sur des rondins de bois jusqu'au bord de la petite fosse puis, très doucement, on le dressait à l'aide d'une grue antique et de cordes en écorce de tilleul, extrêmement solides.»
Les hommes qui ont investi le Pré-du-Stand, il y a 6500 ans, furent donc les premiers «Genevois». Depuis, les lieux sont habités. Les fouilles effectuées par Michelle Joguin Regelin pour le Service cantonal d'archéologie sur le haut du site, qui sont sur le point de s'achever, ont révélé «la présence d'un habitat jusqu'alors insoupçonné datant de La Tène jusqu'à l'époque romaine (entre 300 et 50 av. J.-C.): des drains et des traces de routes avec leurs ornières.» A travers ce champ du Pré-du-Stand, route il y avait, route il y aura!
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