«L'âgisme est plus fréquent que le racisme et le sexisme»
Une campagne de sensibilisation bat son plein contre la stigmatisation dont sont victimes les personnes âgées. Interview d'une spécialiste.

«Changeons notre regard sur la vieillesse.» C'est le but d'une campagne nationale de sensibilisation contre l'âgisme qui implique notamment l'Institut et Haute École de la Santé La Source, à Lausanne. Une série de courts-métrages, qui visent à prévenir la stigmatisation, les discriminations et la maltraitance, sont projetés à travers le pays (exemple ci-dessous). Les explications de Delphine Roulet Schwab, professeure à l'École La Source et spécialiste en gérontologie.
Que désigne le terme «âgisme»?
Toutes les discriminations liées à l'âge. Pour les aînés, c'est particulièrement flagrant dans le milieu professionnel ou dans celui des soins, par exemple quand un traitement n'est plus remboursé à partir d'un certain âge. Les médecins ne vont pas réagir de la même façon si un enfant arrive couvert de bleus aux urgences ou si c'est une personne âgée.
Est-ce un phénomène très répandu?
Il n'existe pas de statistique nationale, mais on sait que l'âgisme est plus fréquent que le racisme et le sexisme (lire encadré). Surtout, il est socialement mieux accepté. Si quelqu'un s'énerve sur la route en disant: «Oh, ces vieux au volant!» cela choquera moins que s'il disait: «Oh, ces blacks!» ou «Oh, ces bonnes femmes!» On parle beaucoup de la maltraitance en EMS mais cela occulte une maltraitance plus ordinaire: des petites humiliations, des négligences, de l'infantilisation, comme le fait de parler à la place de quelqu'un. Cette réalité est extrêmement difficile à mesurer.
Est-ce souvent inconscient?
On traite les personnes âgées de façon différente sans forcément s'en rendre compte. Nous avons des présupposés, des stéréotypes auxquels nous prêtons peu attention. Dire que toutes les personnes âgées sont dangereuses sur la route, par exemple, ou qu'elles sont réfractaires à la technologie. Penser qu'il est normal d'être triste ou d'avoir mal quand on est vieux. Toutes ces idées sont parfois intégrées par les seniors eux-mêmes et certains pensent qu'«à leur âge», ils ne sont plus capables d'utiliser un smartphone. Elles peuvent aussi être intégrées par les professionnels de la santé et conduire à de la maltraitance. On sait que 20% des personnes âgées sont concernées par la maltraitance; cela fait tout de même beaucoup de monde. Environ 80% des situations ont lieu à domicile et dans 90% des cas, le responsable est un membre de la famille.
Où l'âgisme prend-il sa source?
C'est la valeur que l'on accorde aux personnes âgées – ou plutôt la non-valeur – qui fait que certains comportements sont banalisés. En général, les caractéristiques attribuées aux seniors ne sont pas positives. On a tendance à voir les personnes âgées comme une masse informe, un peu grise. Il existe deux représentations principales: la pauvre petite personne recroquevillée dans son canapé ou le senior «actif» qu'on voit dans la publicité. C'est difficile de sortir de ces schémas alors que, entre deux, il y a une multitude de réalités. Aujourd'hui, avoir 90 ans peut correspondre à des vies complètement différentes. Telle personne sera en bonne santé et entourée, telle autre faible et isolée.
Qu'attendez-vous de cette campagne de sensibilisation?
Nous voulons rendre attentive la population à une réalité qui l'interpelle peu dans la vie de tous les jours. Récemment, une dame très âgée me rapportait qu'elle avait été victime d'une agression, un soir à 22 h, près du parking de la Riponne à Lausanne. Elle a entendu la réaction suivante: «Mais qu'est-ce que faisait une personne de cet âge à cette heure et à cet endroit?» Comme s'il y avait des choses interdites à partir d'un certain âge! Cette manière de considérer différemment les seniors a des conséquences en termes d'isolement social ou encore de marché du travail. Il faut rappeler que les aînés ne sont pas des «demi-personnes». Chacun a une personnalité et une histoire de vie unique.
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