Le retour des dinosaures«Jurassic World, le monde d’après» va-t-il sauver le cinéma?
Steven Spielberg ne réalise pas cet ultime épisode de la deuxième trilogie mais Hollywood veut croire dans le pouvoir des lézards géants.

«Règle numéro 1, ne prenez pas de selfie avec les dinosaures…» Au premier chapitre de la deuxième trilogie «Jurassic Park», Hollywood tente de restaurer la magie qui envoûta les salles en 1993.
Rappelez-vous, le manitou Steven Spielberg, expert du survival façon «Dents de la mer», sort son bestiaire préhistorique avec un réalisme bluffant de «jamais vu». Le réalisateur a acquis les droits du roman de Michael Crichton pour 1,5 million de dollars. Architecturée sur la vision scientifique romanesque de l’écrivain, la superproduction rapporte plus de 1 milliard de dollars.

À l’époque, le génial bricolage qui préside à la reconstitution de cette ère fantasmée passe pour une révolution. Son thème colle à l’air du temps, la dérive des manipulations génétiques. Pour les plans larges, George Lucas supervise des images de synthèse sorties des ordinateurs d’Industrial Light & Magic, tandis que Stan Winston gère les gros plans avec des créatures animatroniques. De quoi déclencher une dinomania durable, qui s’incruste dans deux suites en 1997 et 2001, et une kyrielle de produits dérivés de toutes espèces.
Hiatus de près de quinze ans
Malgré des scénarios toujours plus critiques des parcs de divertissement, des savants fous et des marchands du temple, le succès se tasse et il faudra attendre l’arrivée de la 3D pour redonner des dents aux géants reptiliens. Après un reformatage décevant en 2013, «Jurassic World» repart à la conquête du monde en 2015 avec une nouvelle trilogie dont la conclusion sort aujourd’hui.

Fidèle à la matrice originale mais riche en enjeux contemporains, ce deuxième cycle développe des débats cruciaux pour les générations futures – air connu. Ainsi de raptors domestiqués pour devenir des armes de guerre, de la barbarie réservée à la condition animale, braconnage et autre trafic clandestin, etc. La société est fustigée en général pour sa cruauté cynique et en particulier pour sa bêtise intrinsèque qui la conduit à sa perte. L’effet de surprise s’est émoussé mais les prouesses technologiques demeurent.
Banalisation des dinosaures
Ainsi du «Monde d’après». Dans cette suite directe du dernier épisode, les dinosaures ont pris leurs aises dans une cohabitation forcée avec les hommes. Quatre ans après la destruction d’Isla Nublar, les bestioles féroces prolifèrent partout, dans les jungles d’Amérique centrale, le désert Mojave ou les collines moldaves, les massifs montagneux de la Sierra Nevada, au Texas ou encore à Malte.
Un labo a imaginé de créer des sauterelles géantes et préhistoriques, les voilà qui menacent les récoltes de toute la planète. En parallèle, le bébé de Blue, ce vélociraptor qui a sympathisé avec les humains, est enlevé par des braconniers… tout comme la fille d’Owen et Claire. Comme un air de déjà-vu dans le cinéma d’aventure, sauf que tout se raconte ici sur écran plus grand que nature.

Paradoxe amusant, alors que le septième art faisait des dinos ses héros, les paléontologues modernes ont banalisé l’ère préhistorique. Utilisant les moyens cinématographiques pour reconstituer le comportement de ses habitants, les scientifiques réalisent désormais des modélisations qui renvoient les surdoués hollywoodiens du siècle passé à d’aimables amateurs.
Progrès du documentaire
Au hasard de multiples documentaires sur le sujet, il suffit de mater quelques épisodes de «Planète préhistorique», une production BBC signée Jon Favreau, qui vient de sortir sur Apple TV, pour mesurer le progrès accompli au niveau visuel. Désormais, le film de vulgarisation paléontologique combine les dernières découvertes sur tous les fronts, de la technologie photo réaliste au savoir scientifique, et assure une immersion toujours plus crédible.
Sans doute faut-il y voir l’explication de l’ajout de sept espèces de dinosaures inédites dans ce sixième film pour doper l’affiche du crétacé, il y a 65 millions d’années. Outre les habituels chouchous de la franchise, T-Rex, vélociraptor ou Mosasaurus, se signalent ainsi des Dreadnoughtus, herbivores massifs du type Brachiosaurus, dont les os furent découverts en 2005.
Les ptéranodons, ces bêtes volantes dans les deux derniers épisodes, trouvent leur maître dans le Quetzalcoatlus, plus imposant encore, tandis que le mignon Oviraptor, boulotteur d’œufs de dinosaures, sautille dans son duvet. À ne pas confondre avec un autre emplumé, découvert il y a deux ans seulement, le Moros intrepidus, qui ressemble à un T-Rex de poche.
Le cheptel se renouvelle. Et pour cause… «Le monde d’après», c’est aussi celui d’une planète cinématographique décimée par la pandémie. Fréquentation en perte de vitesse, chaîne de production hollywoodienne mise à mal et autres aléas historiques… autant de paramètres qui rendent décisive la sortie de films événementiels susceptibles de redonner du poil de la bête aux exploitants. Et quelques plumes en l’occurrence.
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