Sorties cinéma«J’adore ce que vous faites», «Coupez!»: quels films aller voir cette semaine?
«J’adore ce que vous faites»: la petite phrase pourrie bien connue des stars tourne en boucle sur la Croisette durant la prochaine quinzaine. Sur les écrans romands aussi!
«J’adore ce que vous faites», mais oui…

Gérard Lanvin en tournage sur une superproduction américaine dans le sud de la France, est harcelé avec une gentillesse invasive par un groupie tendance grave. Et pour cause, Momo Zapareto (Artus) a perdu son paternel et projette dans l’acteur le cher disparu. Non seulement l’admirateur fou connaît toutes les répliques de son idole mais il cultive quelques rêves secrets de cinéma.
L’acteur de l’acteur… procédé connu, voir Van Damme dans «JCVD», «Dans la peau de John Malkovich» et autre Michel Blanc dans «Grosse fatigue». Par coïncidence, le gimmick se voit à double sur les écrans cette semaine, «J’adore ce que vous faites» ayant un parallèle hollywoodien avec «Un talent en or massif» («The Unbearable Weight of Massive Talent), où Nicolas Cage est engagé dans son propre rôle de vedette mûrissante. La version américaine comporte des rebondissements plus alambiqués, la française joue à fond la franchise bon enfant.
Les passages obligés sont franchis avec allure, citations du «Boulet» pour l’un à «Sailor et Lula» pour l’autre, travers de la vie de «riche et célèbre» etc. Avouons que les stars se moquent d’elles-mêmes avec un digne entrain, de la mine de chien battu de Lanvin à la moumoute de Nick Cage. Au-delà de la belle autodérision déployée, ces comédies parodiques souffrent du même petit problème. Une fois posées les règles, le jeu de massacre clownesque tourne en rond.
Note: **
«Coupez!», une charge explosive

Le cinéma adore réfléchir sur lui-même. De «Sunset Boulevard» au «Mépris», des dizaines de films, classiques ou pas, ont sondé la place de la caméra dans leur dispositif scénaristique et de mise en scène. Actif ou passif, le spectateur peut avoir différents degrés d’implication.
«Coupez!» – titre en référence directe au vocabulaire de tournage d’un film, qui ne varie guère, avec ou sans le numérique -, le montre clairement. Et montre surtout que les subterfuges destinés à faire croire ceci ou cela, tous ces trucs hors-caméra – les panneaux brandis par des assistants hors-champ, ces litres de faux sang qu’on pulse depuis un tuyau placé devant les comédiens, ces temps morts qu’il s’agit de meubler, en laissant croire qu’ils sont (mal) scénarisés – forment en réalité la vérité d’un film.
L’un des grands paradoxes de «Coupez!», c’est justement qu’on ne coupe presque jamais la caméra. Et que le plan-séquence, ici, se justifie comme une captation en temps réel, où il faut précisément ne jamais s’arrêter de filmer, même lorsque le pire survient. Et lorsque c’est le cas, l’horreur fait place non pas au drame, mais au rire. Un rire explosif et dévastateur. Le film le plus drôle de l’année.
Note: ***
«Juniper», le puceau et la old lady

Charlotte Rampling peut tout se permettre et même d’interpréter une vieille garce avec une sensualité de donzelle juvénile. Ruth, immobilisée dans un fauteuil par une jambe cassée irréparable, entretient son alcoolisme à grands pichets de gin à peine trempé d’eau. La riche aïeule peine à se réconcilier avec son fils qui s’en occupe à distance.
Bien vite, cet artiste raté voit dans le retour forcé de son propre fils, l’occasion de déléguer la garde de cette malade revêche. Le jeune Sam, rebelle viré de son collège, et Ruth l’incommode bloquée dans sa chaise roulante, vont devoir composer. Sur ce scénario très prévisible de deux handicapés émotionnels, le réalisateur Mathew Saville extirpe une fraîcheur inattendue, venue de comédiens en état de grâce.
Un charme très british opère dans ce mélange de pudeur aussi coincée qu’une serrure de parapluie sous la pluie battante de l’adversité, et d’extraversion inattendue.
Note: **
«Navalny», résister encore et toujours

Réalisé par le Canadien Daniel Roher, ce documentaire revient sur Alexeï Navalny, un des plus féroces opposants au régime de Vladimir Poutine, qui après une tentative d’empoisonnement, a fui en Allemagne. Là-bas, durant cinq mois de convalescence forcée, ce militant a réussi avec l’aide d’activistes et de journalistes à démonter le mécanisme à l’œuvre au Kremlin, remontant dans ses plus hautes sphères, infiltrant le «dark web» et exposant ses dirigeants corrompus sur les réseaux internet.
Le film se concentre sur cette guerre des données, tout en «ringardisant» une classe politique machiavélique et en rusant avec les codes modernes de communication. De retour au pays en janvier 2021, Navalny a été arrêté et résiste encore. Présenté au Sundance Festival, ce film tourné comme un thriller a remporté un double Prix du Public. Son héros reste toujours emprisonné.
Note: **
«Yuni», pluie de juin, chagrin

Cinéaste précoce originaire de Jakarta, Kamila Andini, 36 ans, a étudié en Australie à Melbourne et se passionne autant pour la philosophie hindoue-balinaise, l’animisme des nomades de la mer ou le théâtre japonais. «Yuni», chronique de l’adolescence ordinaire dans l’Indonésie contemporaine, signe un retour aux origines, à ce creuset où brassent les velléités de la jeunesse et l’inertie des traditions.
Yuni aspire ainsi à l’harmonie, croyant aux images que lui balancent les réseaux sociaux. Mais sa famille, suivant la coutume des mariages arrangés dès le plus jeune âge, a pour la jeune fille d’autres projets de prince charmant. Loin d’une opposition frontale à ces croyances de bonheur, la réalisatrice montre combien la persuasion se pratique par des voies plus cachées, aliénation subtile mais puissante.
Comme pour renforcer Yuni dans la conviction de sa prédestination, son prénom signifiant «pluie de juin» – soit à la mauvaise saison. Une même poésie teinte le récit entre désirs encore flous et dépossession de soi.
Note: **
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