Le cochonnet dans une main, un croque-monsieur dans l'autre. On tire, on pointe et on croque. Au risque de crisper les puristes. On s'en fiche, au Marcel on vient en sportif du dimanche. Une seule discipline ici: la convivialité. Trois Genevois vont ouvrir en juin un nouveau bar à Plainpalais, avec croque-monsieur à l'ancienne et piste de pétanque intérieure.

En intérieur et pour amateur

Au 6, rue Dancet, la mue est en cours. Il faut faire disparaître l'ADN du précédent locataire, surtout le mariage pas bien heureux d'un vert délavé et d'un orange criard aux murs. Désormais, ici vivra le Marcel. Un bar qui mêle pétanque et croque-monsieur à l'ancienne. Derrière le concept, trois amis de longue date: Edouard Lebedinsky, 27 ans, Loan Taillard et Basile Gorgerat, 29 ans. «Avec ce projet, on a voulu faire revivre nos souvenirs de vacances passées ensemble, offrir aux Genevois une piste de pétanque supplémentaire et intérieure pour jouer en hiver et, surtout, proposer un endroit convivial où jouer en amateur», explique le trio. Sur la piste en fond de salle, les parties seront gratuites. «Pour jouer, on s'inscrit sur une simple ardoise, on ne veut pas de règles», explique Edouard. Basile renchérit: «La pétanque, ça doit rester simple et pas prise de tête.»

La cuisson, c'est du sérieux

Voilà pour le volet ludique. Le volet gastronomique mise sur le croque-monsieur. Service à table à midi, restauration plus légère le soir. Des produits de la région impérativement, pour les bières et le vin aussi, dans la mesure du possible. «On proposera des croques-salades pour 12 à 18 fr., entre quatre et six sortes différentes, avec un croque du mois.» Et les idées ne manquent pas: «On peut tout mettre entre deux tranches de pain!» rigole Edouard.

On ne rigole pas en revanche avec la cuisson. Basile, expert ès croques, expose: «Le vrai croque-monsieur est cuit avec un appareil d'époque en fonte. Celui-ci a des petits croisillons qui permettent de griller le pain sur les bords et de garder fondant le cœur. Les bords scellent le croque.» Et la tranche est d'une taille suffisante pour remplir honorablement l'estomac. Après avoir subtilisé les appareils de leurs parents, ils se sont lancés depuis quelques mois dans une traque au marché aux puces. «On rôde avec un exemplaire en main pour le montrer en exemple!» Basile précise: «Une fonderie à Jussy pourrait reproduire ces anciens modèles, mais cela a un coût. Alors on tente d'en récupérer!»

Derrière l'apparente décontraction, il y a de l'engagement et du sérieux. Avec l'expérience de leurs parcours professionnels: Haute Ecole de commerce et quelques années dans le trading de pétrole pour Loan, Ecole hôtelière et divers stages et emplois dans le domaine pour Edouard, études de droit pour Basile. Avec, aussi, les conseils et le soutien d'un quatrième larron, propriétaire d'un restaurant.

Financement participatif

Le trio travaille sur ce projet depuis plus d'un an. «C'était compliqué de trouver une arcade pouvant accueillir une piste de pétanque, bien située et avec un loyer abordable», raconte Loan. Et puis, il a fallu lever des fonds. Une campagne de crowdfunding (financement participatif) a démarré à la mi-février, avec quatre formules, du «membre fondateur» (qui donne 500 fr. et a droit à la bière à 1 fr. à vie ainsi qu'à son portrait au mur) au don «bienfaiteur» de 100 fr., sans contrepartie.

Le concept a séduit et, en quelques semaines, le Marcel a engrangé les 40 000 fr. nécessaires à sa naissance. «On a été vraiment surpris, ça a très vite pris, raconte le trio. On a dû limiter le nombre de fondateurs à 40, sinon on n'aurait pas tourné à force d'offrir des bières à 1 fr.!» Loan ajoute: «Il y a vraiment eu un bel engouement. Un étudiant nous a même contactés car il trouvait le concept super mais expliquait ne pas avoir les moyens financiers pour nous soutenir. A la place, il a proposé de nous aider pour faire les travaux!»