Spectacle hip-hop à Antigel Ils dansent dans le sous-sol d’une usine désaffectée
Le premier «Made In» du festival genevois investit un immense hangar de Meyrin. Voici «Secrets de fabrique».

Pour se rendre dans la zone industrielle meyrinoise, suivre le tumulte des avions. La nuit est tombée, le froid devient mordant. On repère enfin la balise du festival, un grand ballon lumineux que les organisateurs utilisent pour signaler le lieu du rendez-vous. Posé devant la façade d’un hangar désaffecté, il indique la voie à suivre.
«Vivez l’expérience.» Injonction est faite à la foule encapuchonnée de déguster chaque gramme du spectacle à découvrir. «Secrets de fabrique» se dévoile en sous-sol, dans les immenses caves en béton que l’entreprise Uhlmann-Eyraud utilisait pour stocker des produits pharmaceutiques. «Ne vous perdez pas dans les coins sombres». Le guide nous a prévenus. On voudrait se repérer au parfum des médicaments. Dans les tréfonds de la zone, il n’y a plus rien que l’odeur de la poussière pour habiter le vide.

Antigel a le chic pour organiser des virées d’allure clandestine là où le commun des mortels n’aurait jamais l’idée d’aller fourrer le nez. On en veut, des insolites. Mieux encore lorsque l’éclairage rase les murs, mettant en relief l’étrangeté vaguement inquiétante d’édifices trop vastes, trop laids pour souhaiter y faire un pique-nique. Le patrimoine industriel sied aux «Made in» du festival. D’ailleurs, plus c’est laid, plus c’est fascinant.
D’une édition, l’autre. On avait vu le site d’incinération des Cheneviers, fourneaux géants versus danseurs de ballet. Une autre fois, c’était l’usine ABB, accoucheuse de machines électriques plus propres que l’endoscope d’un chirurgien. Il y avait un solo de claquettes à regarder. L’an dernier encore, le Service des autos présentait, hé bien, une auto que les acteurs défonçaient à la masse. Exutoire contemporain accompagné comme il se doit de fumigènes.

Fort de son savoir-faire acquis en treize années d’existence, Antigel, à chaque nouveau «Made In», apprend à économiser ses forces. Cette fois, pas de concert improvisé dans un cagibi ni de charivari hallucinant. Composée par le directeur du festival, Eric Linder, la musique est diffusée aux quatre coins du souterrain. Sur un beat syncopé, quatre silhouettes enchaînent les mouvements saccadés du krump, cette danse venue des rues de Los Angeles. On prend acte de l’existence d’un collectif actif à Genève, Warriorz. Beau travail. D’une démonstration d’association, la suivante. Si les acrobates de Genevavélo ont un sacré talent pour tenir en équilibre sur leurs BMX, Les Casse Rayons savent ajouter de la poésie à la pratique du monocycle, mention spéciale à la roue enflammée.
Il faudra patienter jusqu’au dernier tableau, qui emporte la mise. Une rampe de skate, deux half pipes en guise de scène, place aux élèves de la toute nouvelle Urban Move Academy, établie à Meyrin. C’est un spectacle d’école? Une sorte de comédie musicale, avec du skate, des sauts de «parkour», de la danse, un peu de théâtre. Filles et garçons font une cohue qui se croise, se frôle et voltige. Où il est question de la ville et ses mythes, des dragons qu’on voudrait chasser… Mais où sont les dragons quand on a 20 ans aujourd’hui? Cachés peut-être dans les coins sombres d’une usine désaffectée.
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